L'article qui suit a été rédigé par Patrick Lasseube, également auteur dans les années 1980, d'un excellent travail de recherche sur le charivari de Fluris. En décembre 2007, ce dernier était revenu en pays chalabrais afin de présenter images et témoignages sonores, collectés auprès de Chalabrois aujourd'hui disparus.
Mardi 13 décembre dernier, à l'heure fixée pour célébrer un nouveau "chirbilhi", Patrick Lasseube, dépositaire d'un fabuleux trésor, était une nouvelle fois aux côtés des petits "arrosegaïres".
Petit « arrossegaïre » deviendra grand.
Les jeunes n’ont pas oublié la Sainte Luce et l’anniversaire de la mort de Jacques Fleury un 13 décembre 1697. Une tradition bien ancrée en Kercorb depuis 314 ans. Le mérite en revient aux jeunes et plus particulièrement à Clément, Pierre, Thomas et Hugo qui depuis plusieurs semaines ne ménagent pas leur peine dans les préparatifs : réalisation d’une affiche pour les vitrines des commerçants, distribution d’un tract d’information aux écoles, collecte de boîtes vides de conserves métalliques à la cantine…sans oublier l’achat de quelques pétards. A l’heure du tout plastique, du tri sélectif et du dépôt à la déchetterie des objets usagés, les jeunes nous font part des difficultés à confectionner les fameux traîneaux qu’ils traînent dans les rues de la ville. Et le son des objets métalliques est irremplaçable car il est le plus intense. Ainsi casseroles, pelles, tuyaux de poêle étaient encore présents, cette année. Plus d’une trentaine de jeunes « arrossegaïres », nom donné à ceux qui tirent les traîneaux de ferraille, ont pris place en tête de cortège - le plus jeune n’avait pas trois ans, mais il tirait avec fierté une boîte de conserve attachée à un bout de ficelle - suivis par autant d’adultes parmi lesquels quelques barbes et cheveux blancs heureux d’apporter leur soutien inconditionnel à cette tradition dont ils ont été les animateurs il y a plus de cinquante ans.
Clément, Pierre, Thomas et Hugo, prêts pour un nouveau rendez-vous avec la tradition.
De temps en temps le cortège bruyant stoppe sa marche. A ce moment là, jeunes et aînés associent leurs voix pour crier : « Bei, fan les ans, que tuèron Fluris ».
Grâce aux travaux de recherche réalisés en 1984, nous savons que Jacques Fleury était receveur à la chambre à sel de Chalabre qu’il fut assassiné dans la nuit du 13 décembre 1697 pour avoir mis enceinte une jeune veuve d’une famille de notables chalabrois, les Duranat. Des recherches dans les archives publiques sont en cours pour essayer d’avoir une meilleure compréhension de ce charivari populaire unique en Europe.
Ainsi sur les registres de l’état civil de la commune figure bien la naissance de Jeanne, fille naturelle de Toinette Duranat. Née un 10 décembre 1696, elle décède trois jours plus tard le 13 décembre 1696. Son père supposé, Jacques Fleury âgé de 48 ans sera quant à lui, assassiné un an après jour pour jour un 13 décembre 1697. Ceci n’est pas un hasard. Cette année encore, la magie du bruit et de la lumière des pétards a encore une fois résonné dans les rues de Chalabre. Les Chalabrois sont sortis sur les pas de porte ou ont prodigué depuis leur fenêtre des encouragements à la joyeuse troupe bruyante. Le tour de ville s’est achevé sous la halle où éclatèrent les dernières détonations dans l’amoncellement de tous les traîneaux métalliques. Avant de se disperser les jeunes, qui revendiquent leur droit à perpétuer cette tradition ancestrale, se sont publiquement engagés pour préparer Fluris en 2012.