Avec ce poème, JIEL met l'accent sur un aspect parfois méconnu des souffrances endurées par les héros de la Grande guerre. Lors des relèves, les hommes harassés parcouraient parfois des distances très longues pour se reconstituer un peu, ou inversement, pour rejoindre la ligne de front.
Ces déplacements, notamment au coeur de l'hiver, se faisaient dans des conditions extrêmes.
Avec ses mots, JIEL souhaite rendre hommage aux Poilus, et exprimer la souffrance qui fut la leur, même en marge des combats.
La relève
Premier mois de janvier dans les gourbis du nord ;
Pour les soldats transis au fond de leurs guêpiers,
Le mal des tranchées tue, les gelures de pieds
Détruisent les âmes en torturant les corps.
L’hivernage si long, rigoureux, se poursuit ;
Résister à tout prix en oubliant la mort,
Vivre résolument, voilà leur triste sort
Jusqu’à la relève tout au bout de la nuit.
Dans l’âpreté de l’hiver, elle est quotidienne.
De l’arrière à l’avant, de l’avant vers l’arrière
Incessants cortèges funestes sans prières.
Dans les noires tranchées des poilus vont et viennent.
Rien n’est pire que ces mouvements sous le déluge.
Les vêtements trempés sont maculés de boue,
Dans cette terre visqueuse, rester debout
Est la seule mission de pantins sans refuge.
Lors de ces marches forcées où tout est rudesse,
Les pauvres pieds gelés font un navrant « flic-flac »,
Dans de vieux brodequins sous l’eau souillée des flaques,
Quand chaque pas devient véritable prouesse.
Au fond des ténèbres, tous devenus aveugles,
Marchent à tâtons, glissent, tombent en jurant.
On a perdu la file, on se pousse, endurant
Les bousculades, les insultes qui beuglent.
Ces surhommes, transformés en boue, se relèvent ;
Parfois boue sanglante aux gémissements morbides.
Ceux qui partent grelotants, loqueteux, sordides,
Croisent sans les voir les troupiers de la relève.
JIEL