Dans son manuel de savoir vivre à l'usage des rustres et des malpolis, Pierre Desproges déclarait : « Certes, il est pénible de vieillir, mais il est important de vieillir bien, c’est-à-dire sans déranger les jeunes ». A l’heure où la parole confinée derrière un masque est parfois remplacée par des regards obliques, ces quelques lignes écrites en 1988 par Jean-Paul Dréau. Paroles interprétées par Denise Grey,… depuis la cuisine.
On s'accroche au passé
Comme un lierre à un mur
Et les miroirs gelés
Nous renvoient des blessures
Du temps passé trop vite
Qui rit de notre peau
On a le cœur qui s'effrite
Comme les pierres d'un château
On se tait de nos maux
Pour ne pas se souvenir
On pense à ce bateau
Qui nous fera partir
On oublie nos histoires
Pour ne pas en parler
Ca ennuie les enfants
Et ça nous fait pleurer
C'est comme une bougie
Qu'on oublierait d'éteindre
Qui brûlerait toute une vie
Pour que l'on puisse peindre
Sur les murs de nos yeux
Tout ce qu'on a appris
Le chagrin, la tendresse,
Les jours bleus, les jours gris,
C'est ça, devenir vieux aussi
On fume les heures qui restent
Dans un même fauteuil
Posé près d'une fenêtre
Ou dessous un tilleul
Et les heures goutte à goutte
Nous oublient peu à peu
Le nez dans notre soupe
Et les mots dans nos yeux
On est comme un vieux meuble
Qu'on cire de temps en temps
Une table ou un lit
Qu'on n'aime plus vraiment
Alors on s'habitue
A vivre doucement
A ne pas faire de bruit
A respirer seulement
Et quand comme un oiseau
On sent l'heure du départ
Les ailes au ras du dos
On éteint son histoire
C'est pas que ça fait souffrir
Ca fait même pas pleurer
C'est pas dur de partir
Quand on ne veut plus rester
C'est ça, devenir vieux aussi
Jean Paul Dréau 1988