L'article en ligne avait été publié dans l'Indépendant, édition du lundi 31 janvier 2005.
Aristide et Dédou à l’écoute des pulsations du vieil alambic
Photos archives, Janvier 2005
D’abord il y a ce maudit thermomètre qui affiche invariablement des températures négatives depuis trop longtemps maintenant. Et là-bas, installé sur une des rives du Blau, Aristide qui scrute ce petit flotteur calibré indispensable pour contrôler au degré près la qualité d’un produit très prisé par les amateurs d’alcool fort. Opération délicate qui ne présente aucune difficulté pour Aristide Peyronnie natif de Massat, petit village ariégeois blotti au pied du col de Port et du port de Lers, la patrie certifiée des bouilleurs ambulants.
Avec plus d’un demi-siècle d’expérience, acquise goutte à goutte au service des bouilleurs de cru, Aristide fait partie des quinze bouilleurs ambulants répertoriés à la chambre des métiers de Foix. Malgré les hauts et les bas d’une activité plutôt rude, Aristide affiche une sérénité aussi limpide que son divin nectar, fruit d’une sagesse engrangée sans interruption depuis ses débuts en 1950, exception faite de deux années de conscription sur les rivages tunisiens de Carthage.
A l’abri de ce que les habitués appellent l’atelier public, lieu de rencontre d’autant plus apprécié quand le café du coin a définitivement tiré le rideau, les discussions vont bon train. Pomme, prune ou poire, Aristide est passé maître dans l’alchimie des parfums fruités qui transitent au coeur d’interminables serpentins, tels une bienfaisante perfusion.
L’art de séparer les vapeurs d’eau et d’alcool, voilà bien un drôle de métier qui ne dit pas son âge. A l’écoute au pied de la cucurbite de son vieil alambic, Aristide a vécu la lente évolution des habitudes, depuis le milieu du siècle dernier, lorsque la croûte de marc sec était distillée par ses soins près des vignes de Rouvenac. La nuit est tombée sur les rives du Blau et Aristide évoque encore et encore les souvenirs que distillent les serpentins de sa formidable mémoire. « Le brulou de vin » et son étrange machine à remonter le temps sont maintenant repartis vers d’autres cieux, pour de nouvelles et délectables missions. Aristide reviendra, l’hiver prochain.