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Fluris es-tu là ? Si oui, un coup, sinon, deux coups

Dans la perspective d’un charivari attendu pour le mercredi 13 décembre prochain, et après trois années de complète interruption, la cité chalabroise sera-t-elle cette fois au rendez-vous d’une tradition plus que tricentenaire ? Entendra-t-on scander, « Vei fan les ans que tueron Fluris  ! » ? 326 ans après une soirée de Sainte-Luce mise à profit pour envoyer le sieur Jacques Fleury, contrôleur à la chambre à sel de Chalabre, au tréfonds des ténèbres, que reste-t-il de la légende ?

fluris,roger boutellierL'occasion de se souvenir d'une certaine évocation de « Fluris », dont l’auteur est bien sûr Chalabrois. Le texte mis en ligne est extrait du discours prononcé le 3 janvier 1985 par M. le substitut général Roger Boutellier (photo), lors de l’audience solennelle de rentrée à la cour d’appel de Toulouse. Elle démontre si besoin était, combien le personnage de Fluris occupe une place privilégiée dans la mémoire collective des gens du Kercorb. Il serait de fait surprenant (décevant ?) que l’année 2023 tourne le dos à cette belle tradition.           

« A Chalabre, le dimanche qui suit l'Ascension, un détachement de Légionnaires, accompagné de membres de l'Amicale des anciens Légionnaires, vient se recueillir devant la plaque commémorative apposée sur la façade de la maison natale du Capitaine Danjou. Le visiteur ignorant, passant ce jour-là à Chalabre, serait surpris de voir ces valeureux soldats défiler dans ce village où tout respire la paix et la douceur de vivre. Mais il serait plus étonné encore s'il traversait Chalabre, un 13 décembre, à la nuit tombée. Ce soir-là, à partir de 19 heures, les jeunes Chalabrois, traînant derrière eux tout ce qu'ils ont pu trouver de vieux bidons, de boîtes de conserves, de tuyaux de poêle, frappant à coups redoublés sur des vielles casseroles, parcourent la ville, partant toujours de la place centrale pour emprunter les mêmes rues en criant, toujours sur le même ton, en langue d'oc : « Vei fa les ans que tueron Fluris  ! », que l'on peut ainsi traduire : « C'est ce jour-là que l'on a tué Fluris ! ».

Un soir de 13 décembre, en effet, à l'époque des premiers mousquetons, sous le règne de Louis XIII, on découvrit au bord de la rivière Le Chalabreil, qui traverse le bourg, le corps d'un certain Fluris, tué par balle. Selon la tradition locale, ce Fluris était un braconnier tué par un garde du château. D'autres prétendent que Fluris était un collecteur d'impôts, mais qui devait sa mort non point à un zèle excessif dans la perception des taxes, mais à une aventure galante. Séducteur d'une veuve de bonne famille, il serait tombé sous les coups des deux frères de la dame, lesquels, au service de sa Majesté, seraient venus nuitamment à Chalabre venger l'honneur de leur soeur.

Mais quoi qu'il en soit de la personnalité de Fluris et des motifs de sa mort violente, ce qui est certain c'est que depuis plus de trois cent ans, ni guerre, ni épidémie, ni occupation n’ont pu interrompre cette bruyante commémoration. Tous les enfants de Chalabre, quel que soit le milieu social auquel ils appartiennent, y participent. J'y ai bien sûr participé et, aucun doute n'est permis, Jean Danjou lui-même, comme tous les autres.    

fluris,roger boutellier

Et par le seul pouvoir d’une tradition si lointaine et pourtant tellement présente qu’elle réduit le temps à un instant de vie, je me vois sans effort marchant dans les rues de Chalabre au milieu des milliers d’enfants qui, au cours des siècles, se sont retrouvés dans cet étrange et tonitruant cortège. Et Jean Danjou marche à côté de moi en criant : « Vei fa les ans que tueron Fluris, vei fa les ans... » et soudain le héros, posant son auréole, un sang chaud courant à nouveau dans sa main de bois, redevient pour moi ce qu'il est d'abord pour tous ceux que rassemble une commune naissance dans cette « Terre Privilégiée », tout simplement, un enfant de Chalabre ».

Roger Boutellier    

Commentaires

  • Que j'aime ton article Momo ! Plein de délicatesse, plein de.......On sait bien ! Mais pas de doute : un seul coup suffira pour que son écho résonne bien en delà du Kercorb.
    Qu'éclate sous toutes ces vieilles boites et casseroles en fer notre traditionnel charivari. Qu'il dépoussière et pulvérise tout folklore. Qu'il rejaillisse de l'oubli dans son ambiance chaleureuse, conviviale et tonitruante. Que son boucan emplisse et retentisse de loin en loin dans les rues de notre cité dans un roulement de tonnerre. A quelques jours de Noel, dans nos habits de tous les jours, sans couteux costumes, sans quémander autre chose que la joie de participer et sans dépenser un seul écu, grands et petits fusionnaient. Les rires et les blagues s'ajoutaient au vacarme. Difficile de trouver le sommeil pour les couche tôt.
    Ecoutez !!... Entendez vous au loin cette clameur qui s'élève ?..... Cette clameur venue de notre enfance ? C'est celle du souvenir de Fluris.

  • Bonjour ,

    Merci à vous deux pour cette plume facile, agile et percutante. à la fois !
    Mais rien ne changera l'évolution du pays,
    Cette semaine je suis passé voir les travaux du lac et j'ai discuté avec un couple bien de chez nous, qui m'ont confié que Chalabre avait bien changé. Samedi dernier ils étaient au marché et qu'ils n'ont pas vu une personne de leur connaissance.
    Je suis toujours content de faire une halte au pays en balade cycliste et de partager avec des visages connus à la fontaine du limonadier, au cimetière.....cela me fait du bien de rencontrer des gens que j'aime bien.

    Alors comment peut on faire vivre une tradition sans Chalabrois de souche et de cœur (qui sont parfois plus Chalabrois dans l’âme ) au village.

    La preuve avec cette sortie nocturne "américaine" qui se fait dans nos villages dans cette période.

    Notre monde est fou de perdre ses racines et ses traditions en plus du reste aussi comme la tolérance !

  • Merci Christian pour cet article qui rappelle aux Chalabrois cette tradition ancestrale qui animait les soirées du 13 décembre de notre enfance. J'espère que nous ne nous retrouverons pas, comme en 2022, tout les deux sur les bancs de la halle à attendre désespérément l'arrivée des traîneaux.
    Cette tradition historique, qui n'est pas une légende, est d'années en années remplacée par une coutume anglosaxonne dont j'ignore l'origine.
    Il y a de la place pour ces deux évènements d'autant que la commémoration de Fluris n'implique aucune dépenses financières.
    Jeunes de Chalabre commencez à récupérer les vieilles boîtes de conserve, les vieux bidons etc , pour être prêts le soir du treize décembre à 18h sous la halle.
    Les parents sont également invités à accompagner leur progéniture.
    Non la tradition de Fluris ne doit pas mourir.

  • Des nuits qui hantent encore les souvenirs des anciens. Quelques commentaires qui savent aussi engendrer un petit tollé...pour tisser une certaine toile... ! Elle aussi saura captiver, car toi simple mortel tu sauras capturer tout ce que tu as sous le coude (ou sous le pied), de vieilles ferrailles. Va rôder dans la nuit noire, ton traineau assourdissant à la main pour raviver les fantômes du passé. Fluris a bien pâli sous tant de lunes. Il y a de la place pour tout évènement oui. Dommage qu'il faille combattre pour la garder.

  • L’idée couvait, comme les braises de l’enfance qui attendaient un souffle chaud pour les raviver...
    L’idée qu’il restait une poignée de vieux enfants qui étaient prêts à ranimer la flamme...
    Car ici ,c’est bien de l’enfance dont il s’agit , si lointaine et si présente à la fois.
    Précieuse , unique , cette enfance , Notre enfance chalabroise nous la chérirons jusqu’à notre dernier souffle...
    Ainsi, loin de nous l’idée d’opposer des époques ou des générations , le temps passe et fait son œuvre .
    Nous SERONS LÀ , les anciens , les éternels enfants, le 13 décembre, et si les jeunes veulent nous rejoindre ils seront les bienvenus.
    L’APPEL est lancé...
    Un coup.

  • Allez Jiel, Fluris, charivari !
    T'as déjà un petit morceau de la 1ere. rime.
    Amclt.

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