Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

C’était hier : Las chronicas d’en Josèp : La fête du Cazal

Au cours de l’année 1994, notre concitoyen José Navarro publiait une chronique dominicale, sous la forme d’un dialogue engagé avec une grand-mère témoin de son temps. Le texte mis en ligne, avait paru dans l’Indépendant sous le titre ci-dessus, édition du dimanche 27 mars de cette année.

gaudy

 Midi Libre 3 mars 1975

« Tu t’en rappelles Mémé, la manifestation pour les Canat à Limoux ? C’était au début des années 1970 non ? - Se m’en soveni oc ! Es le cop de « l’Apeou à Chalabre ».

Elle avait raison la mamette, il y avait parmi les ouvriers chalabrois, une forte proportion qui était d’origine espagnole et les employés voulaient absolument garder leur outil de travail dans leur entreprise, à savoir la machine à polyuréthane ou plus simplement la P.U. Ainsi criaient-ils tout au long du cortège, « la Pé Ou à Chalabre ! », suivis en cela par la solidarité active des Myrys et autres Limouxins qui sans hésiter reprenaient la chanson : « L’Apéou à Chalabre ». Je l’écris ainsi car quelqu’un me demanda quand même : « Vous qui êtes de Chalabre, c’est quoi une Apéou  ? ».

Tout ceci pour dire que les temps changent. Remontons à 1837, au mois de juillet. C’est l’euphorique réussite de l’industrie drapière, le village compte plus de 3000 habitants, tous les niveaux de toutes les maisons de la bastide sont occupés. Montez dans les greniers, et vous y trouverez encore les grandes cheminées des logements de ces temps là.

MM Gaudy Frères sont manufacturiers, leur entreprise se situe en face le Cazal, et le maire les plaint car « leurs ouvriers fileurs refusent de travailler lorsque le travail abonde et ont tout prétexte de criailler et de demander des secours lorsqu’il manque ». Traduisons car nous n’avons bien sûr aucun document laissé par le côté ouvrier : ils sont très mal payés et profitent des carnets de commandes garnis pour le faire savoir alors que c’est la misère lorsque le travail vient à manquer. Les Frères Gaudy heureusement sont très futés et découvrent bien vite la solution à tous leurs maux : une machine à filer la laine (ndlr : la Mule Jenny).

gaudy

Mule-Jenny 1835

La nouvelle court dans les ateliers, et surtout dans les cabarets (les réunions étaient interdites). Elle n’est pas du goût des ouvriers qui ont peur de perdre leur emploi. On décide donc de se débarrasser du mécanicien chargé de monter la machine : « Avant midi, il n’y avait déjà plus personne et des groupes d’où partaient des vociférations peu rassurantes se formaient en divers lieux, et principalement sur la grande route qui conduit aux ateliers de MM Gaudy. Quelques uns se réunirent et vers une heure après midi, un nombre considérable d’ouvriers entourèrent l’établissement de ces messieurs ». Nous sommes le 17, les ouvriers se calmeront et iront exiger du maire (ndlr : Antoine Anduze-Faris) la destruction pure et simple de la machine. Lui, demande des renforts de soldats et de gendarmes au sous-préfet (ndlr : Prosper Hannuic).           

Quand la colère pointe le nez, les premières à monter au créneau ont toujours été les femmes et, le 20, elles entraînent leurs époux à l’assaut de la machine. Assaut brisé par les représentants de l’ordre. Mais des meneurs ont été repérés et au petit matin du 22 juillet (ndlr : jour de Sainte Marie-Madeleine), sept ouvriers sont interpellés. La nouvelle fait le tour de Chalabre, la colère gronde autour des gendarmes qui se préparent à emmener les pauvres bougres à Limoux. Pendant ce temps-là, et bien laissons terminer le sous-préfet qui le relate au préfet : « Une partie des habitants du Cazal,… renforcée de quelques hommes et de quelques femmes et enfants de Chalabre qui s’étaient détachés de l’attroupement formé dans la ville, s’étaient portés à la course sur cet établissement (Gaudy) et qu’en ayant forcé très facilement la porte, ils avaient en quelques secondes brisé la machine à filer, objet de leur hostilité et s’étaient enfuis ».

Pauvres Frères Gaudy, que toute une armée de gens bien intentionnés, du procureur du roi au maire, n’ont pas réussi à protéger de la hargneuse populace !

« Alors tu vois, mémé, une fois on veut casser les machines, et une autre fois, 150 ans plus tard, on veut les protéger. L’expliquer serait peut-être une trop longue histoire mais…

- Escota pichon, ièu te vau dire, aquela gent del Casal, s’en cal mesfisar, t’i cal pas anar a la festa.

- Et mémé, tu debarotes, je vois plus le rapport !

- Dubris lis uèlhes, la date, t’as vu la date, la festa del Casal, c’est en souvenir, c’est leur 14 juillet, la presa d’en Gaudi !

- Alavetz, aquela empega mameta, tu me fais une historienne de première bourre ! »

Cet épisode pourra être redécouvert dans son contexte historique, en lisant Les Facturiers, travail de recherche que l'on doit à Gaston Maugard, et publié par l’association Il était une fois Chalabre (Tome X p.121). Egalement évoqué dans le Tome VIII, page 73

Écrire un commentaire

Optionnel