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Labours et semailles

En parcourant la rue du Presbytère, les moins jeunes ont le souvenir des vaches d’Aurélie et d’Irène, de retour des collines verdoyantes de Terre-Blanche. Les plus anciens croient entendre encore la paire de boeufs menée par Albert Galaup, rentrer à la nuit tombée pour se repaître d’un repos amplement mérité, au pied des « grepios » abondamment fournies en fourrage. Souvenirs voisins, partagés, et mis en poème par Bernard Cnocquart.

bernard cnocquart

Labours et semailles

En ce début d’octobre et les premiers frissons,

On dirait que la pluie a rouillé la Garosse,

Et les vols de palombes en joyeux tourbillons

Semblent vouloir quitter cet automne précoce.

 

Dans les champs de la plaine on a laissé les chaumes,

Cet abri bien utile pour la caille qui chante,

Et au bord des haies, de peupliers et d’ormes,

Gambadent les lapins aux oreilles pendantes.

 

Les granges sont remplies de fourrage et de paille

Pour ces vaches et ces bœufs qui durant tout l’hiver

Resteront bien au chaud au fond de cette étable,

Car les paysans d’alors étaient loin de pervers.

 

Il est alors le temps de penser aux labours,

Car la terre est bien tendre après quelques averses,

Et les braves travailleurs, Mascaré et Pardou

Savent qu’ils vont tirer la charrue ou la herse.

 

Alors de bon matin, les bœufs sont attelés,

Et de leur pas tranquille, tirant le lourd brabant,

Ils suivent le grand père, direction Perrautié,

Vers ce grand champ là-bas, au beau soleil levant.

 

Pour un travail soigné, il faut un bon départ,

Il place alors les bœufs en faisant attention,

Et au coup de sifflet, l’attelage s’élance, sans retard,

Relevant cette terre bien grasse, un bon limon.

 

Arrivés tout au fond, les bœufs font demi tour,

Et dans un bel effort tenant le mancheron,

Pépé encore robuste retourne le soc bien lourd,

Puis reprend son labeur avec application.

 

Sous les premiers rayons, la terre brune scintille,

Et dans les longs sillons toujours bien alignés,

On voit quelques oiseaux, des hochequeues tranquilles

Se gaver de longs vers par le soc libérés.

 

Mais le champ est bien grand, combien d’aller et retour,

Pour que cette parcelle passe du jaune au noir,

Il mange donc alors le pain et le fromage au milieu du labour,

Sans cesser son travail jusqu’à bien tard le soir.

 

Le champ est terminé, il le regarde avec fierté,

Il sait que dans quelques semaines il passera la herse,

Et puis encore semer, l’orge, l’avoine ou le blé,

Mais il laisse faire le temps, toujours avec sagesse.

 

Dès les premiers bourgeons, il prépare la semence,

Et dans le noir couloir sur les dalles glissantes,

Il mélange le blé d’un liquide bleu intense,

Sans doute protecteur pour ces futures plantes.

 

Il observe la lune dans le ciel annonçant le soleil,

Car c’est demain matin qu’il ira les semer,

Alors avec un sac de patates transformé en « curbeil »,

Il lance ces bons grains à grands coups de volées.

 

Avec quelques bâtons munis de chiffons blancs,

Il fait donc ses repères pour une bonne répartie,

Il compte bien ses pas, fait attention au vent,

Car pas trop de gaspillage, toujours avec parcimonie.

 

Il passera ensuite le gros rouleau rouillé

Pour enterrer les grains, les épis de demain,

Mais il viendra souvent surveiller la levée,

Contemplant ce vert tendre, heureux comme un gamin.

Bernard Cnocquart 2015

bernard cnocquart

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