Avant que la période des voeux ne se termine, et tandis que nos paysages jouent à se mettre au diapason de cartes de Noël toujours plus belles, Cine nous fait part des souvenirs qu'elle garde de cette période qui offre le privilège de prendre congé d'une année et de saluer l'arrivée d'un nouvel an.
Le Noël de Cine
Doux, lumineux, chaleureux ! Qu'ils étaient beaux les Noëls de mon enfance. Chaque année, ces Noëls blancs si bien chantés, me reviennent en mémoire. Car l'hiver nous offrait plus souvent la danse des flocons. Ils virevoltaient autour de nous, et la neige emprisonnait le village d'un blanc immaculé. Le temps en était suspendu. Tout était alangui.
Le ton était donné avec les crèches aussi belles les unes que les autres. Que sont ils devenus ces très grands rois mages et santons installés à Saint-Pierre, à Notre-Dame et au couvent de l'Hôtel-Dieu Saint-Jacques ? Cette dernière m'attirait particulièrement. Nous mettions la pièce dans la boite de l'ange, qui nous remerciait d'un hochement de tête.
Les commerces, si nombreux à l'époque, avaient leurs vitrines décorées et les crèches y avaient aussi leur primeur. Leurs guirlandes clignotantes illuminaient nos visages rayonnants et renvoyaient des lueurs festives sur le tour de ville. Nous qui n'avions rien, ou si peu, le nez collé à la vitre, nous admirions les jouets chez Valentin, chez Marthe, les Docks ou la Coopé…
Il est toujours là, intact dans ses habits, ce gros poupon « Nouvelles Galeries » (je crois) sorti de la vitrine de chez Marthe. Il a pris et garde mon âme d'enfant. Qui pourrait en dire autant aujourd'hui ?
Pour dire que cette richesse là, reçue du fond du cœur d'une Maman démunie, ne pouvait que survivre au temps par l'affection et le respect que l'on portait au cadeau que nous avions la chance de recevoir.
Chez Raymonde, ce n'était que beaux livres (dont des lectures m'ont tant fait rêver), des stylos au milieu de quelques babioles sur tissu blanc et soyeux. Tous les magasins se paraient de boules, guirlandes de lumières ou crépons multicolores. Nos yeux étaient éblouis par tous ces chocolats, pâtisseries, volailles, charcuteries, ornées de banderilles et autres mets qui finissaient de nous mettre l'eau à la bouche… Aucune boutique n'était oubliée. Tous les commerçants s'investissaient dans la magie de Noël. Et même si je ne cite pas tous leurs noms, je ne les ai pas oubliés.
Mais mon préféré, je ne sais pourquoi, était sans nul doute la petite boutique de M. Sans, à la place. Elle embaumait le café et les bonbons. Dès l'entrée, un long tapis de neige nous accueillait, et c'était pour moi une explosion de couleurs scintillantes. Dans l'immaculé se perdaient les paquets enrubannés de pralines roses, vertes, blanches. Les Pères Noëls et les beaux sabots tout en chocolat enrubannés. Les petits Jésus en sucre. Quelle merveille !
Et puis, mon esprit revit ces Noëls offerts aux enfants des ouvriers de l’usine Canat. Dernier étage du café de la paix, « au Grenier », ou dans la salle du cinéma (photo), avec le Père Noël descendu rien que pour nous.
J'y ai connu la distribution de chocolats chauds dans les grands bols, qui ne devaient être grands que par ma petite taille. Et les boites fers de gâteaux secs qui circulaient sur les tables installées pour l'occasion. Le parfum d'une orange ou d'une mandarine… Une et pas deux !
Et parfois la distribution de petits sachets transparents contenants juste quelques pralines.
Le spectacle sur scène nous ravisait, mais l'animation était aussi dans la salle. Tous les enfants piaffaient d'impatience, le regard fixé sur l'estrade. Car devant leurs yeux éberlués, la scène disparaissait sous une multitude de cadeaux multicolores. Chacun s'activait à reconnaître le sien. Pour moi et les miens, rien de plus facile… D'office, on avait repéré en coin le plus grand, le plus gros… qu'on allait emporter fièrement, avant une autre animation à la maison. Du haut de mes si jeunes années qu'il était énorme ce carton empli de présents.
Et puis… !! Et puis, comment ne pas parler de tous ces lotos de fêtes de fin d'année. Qui se souvient des devantures de cafés avec leurs volailles vivantes, les cageots ou paniers garnis, les canards gras suspendus avec leur cravate de crépon. Et les jambons bien gros, bien en chair. Tant de lots qui faisaient profit à tous. Personne n'aura oublié le panier de louis d'Or bien installé dans la vitrine du café Tournois, gros lot bien convoité. Personne n'aura oublié le mouton vivant installé sur le trottoir du café de la Paix, qui devenait malgré lui, le clou du spectacle. Je dis bien vivant !!... car il ne le restait pas longtemps le pauvre !!
Mon frère m'avait dit « grand loto à la Paix, on gagne un demi cochon vivant ! ». Perplexe et abrutie ! Comment peut-on penser une seule seconde qu'un demi cochon soit encore en vie !! Juste un jour,… un instant… il m'avait bien eue!! Ah, l'innocence de la jeunesse !! Merveilleux et doux Noël de mon enfance !!
Tous ces lotos drainaient grand monde, venant parfois de très loin. Les « quines » éclataient dans l excitation et le brouhaha général. On criait QUINE à « 11 zonzon », « ca ca carante quatre 44 », « 13 ma soeur Thérèse », « 1 tout seul », « la queue est en l'air… 6 » ou « la queue est en bas… 9 ». Et j'en passe… qui ramenaient en écho, pour se perdre dans la fumée des cigarettes, une flopée de quolibets. C'est alors que surgissait un grand cri : « boulègue ! ».
C'est tout cela qui me tient chaud les jours de Noël. Tous ces souvenirs qui croulent sous l'ambiance de l'époque, faite de chaude amitié et de fraternité que j'y ai connu.
C'était cela mon village, si cher à mon cœur : Chalabre
Quand les enfants des ouvriers de l'usine Canat attendaient l'arrivée du Père Noël au théâtre municipal
Commentaires
Merci Francine pour tous ces souvenirs que tu nous rappelles si bien et qui nous font chaud au cœur dans cette période de grand froid. Il est vrai que nous n'avions pas grand chose et pour beaucoup d'entre nous, la belle orange dans son papier argenté était déjà le luxe.
Je pense aussi que tous ceux de notre génération n'ont pas oublié ces matinées de premier janvier où nous allions dans chaque maison souhaiter la bonne année, on nous donnait alors quelques pièces rousses et des pralines, et plus tard c'était la goûte offerte dans chaque foyer, cacao, triple sec et
autre liqueur.
Encore merci et amicalement,
Bernard Cnocquart
Merci Cine pour cet émouvant retour en arrière dont tout les enfants des employés de l'usine se souviennent avec sûrement un peu de nostalgie. Que le temps passe vite, il me semble que c'était hier.
Chez Marthe c'était le catalogue des Galeries Lafayette qui nous faisait rêver. Meilleurs vœux a vous.
Ah! c'était bien les Galeries Lafayette ! j'en étais pratiquement sûre, mais quand le doute s'installe........merci Michel. Et pour répondre à Bernard, les portes à portes du 1er janvier sont bien présents aussi.
Dissertation, composition, narration, quelle belle rédaction que ce voyage dans le temps.
Merci Francine d'avoir merveilleusement dépeint ce tableau des fêtes de Noël dans notre village de Chalabre ,en te lisant j'avais l'impression d'être acteur de rentrer dans ce tableau et de revivre ces moments d'enchantement qui nous ont fait tant rêver .Quelle bonne idée!
Bonne année à toutes et tous.
Merci Francine d'avoir merveilleusement dépeint ce tableau des fêtes de Noël dans notre village de Chalabre ,en te lisant j'avais l'impression d'être acteur de rentrer dans ce tableau et de revivre ces moments d'enchantement qui nous ont fait tant rêver .Quelle bonne idée!
Bonne année à toutes et tous.
Magnifique récit de Cine
Je ne me rappelle pas de toute ces boutiques ,mais je les imagine bien
Je n'en reviens pas de tout ces enfants pour le Noel de l'usine
A l'époque , je vivais dans la banlieue de Chalabre (LOL) et on ne venait que rarement "a la ville" .par contre je me souviens qu'il fallait repartir avant midi ( sortie de l'usine) sinon on était bloqué pour un moment !
Hooo... !!! Cine, "les mémoires de notre enfance que tu retraces si bien ici, me fendent le coeur". Nous n'étions pas argentés mais nous vivions fraternellement dans notre France. Horreurs, Malheurs, qu'en reste-t'il aujourd'hui et qu'en restera - t'il demain .....???
Merci Cine de nous avoir remémoré, tous ces souvenirs, si bien énoncés, par les divers commentaires de purs chalabrois.....même si certains sont exilés...... Bravo
Magnifique évocation! Mais tu as oublié une vitrine , il me semble : celle de l'Enfant chic de Mme Taillefer. Chaque année elle nous faisait rêver avec tout ses jouets. C'était un peu la concurrence avec Valentin en face.
Tu as raison, je ne l'ai pas cité dans mon écrit, mais je n'ai pas oublié l'enfilade des vitrines de l'Enfant Chic. Encore moins la vision du stock de jouets qui devaient remplir plus d'une hotte. Merci de vos commentaires qui complètent tous ces souvenirs.
Bonjour et bonne année à tous les amis de Chalabre et autres !
Merci beaucoup pour ce tableau de notre enfance (heureuse) à Chalabre, que ces vitrines nous ont faites rêver, mais que cela car il manquait dans beaucoup de familles l'argent pour remplir le dessous du sapin. Pour moi la plus belle c'était celle de "Valentin" coté 'Enfant chic".
Mais nous étions tous servi par le CE de l'usine qui nous mettait tous à égalité et nous permettait d'avoir un jouet pour noël.
On partait au loto pour ramener le lièvre pour mettre au tourne broche devant la cheminée et on revenait sans rien sous le bras les vêtements parfumés de tabac.
Je ne garde que de bons souvenir de cette enfance si paisible et bien loin du monde actuel.
Les enfants jouaient dans la rue, pas devant des "écrans".
Et puis la neige et les descentes au champ du château et de la gare et rentrer trempé à la maison avec nos luges fabriqués avec des planches de la cave et des bandes de ferrailles (pour mettre le champ de la planche pour mieux glisser) récupérées au déchets de l'usine Franzonne.
Merci pour ces textes si complet et pour tes interventions si précieuses, bonne journée à toi "CINE" .
Le petit paillou.
Merci beaucoup de cette belle description, qui ramène les souvenirs et ranime en nous une grande émotion.
Roland.
Merci Cine pour cette merveilleuse évocation, si tangible ! je me souviens de la mercerie située à droite de la coiffeuse et à gauche des "bonbonnes", Cours Colbert : comment s'appelait-elle s'il vous palît ? j'en garde un souvenir ému car mon papa m'y avait acheté un cache-nez que j'ai longtemps considéré comme un trésor !
Gardons tous nos précieux souvenirs et nos solides valeurs, au moment de basculer encore une fois vers l'inconnu.....
entre coiffeuse et bonbonnes .... !! (MDR) quelques tonneaux aussi.....Pas de grands crus, certes ! Mais de quoi en décoiffer quelques uns !!!!!
Quelle richesse ce Chalabre !!
Pour le nom de la mercière, c'est bien Juliette Pagès; une femme d'une très grande gentillesse. Quant au commerce voisin, c'était un magasin de chaussures (jusqu'en 1954?) qui appartenait à mes parents (Line Marty - da Costa) et dans lequel j'ai vécu mes toutes premières années; ce commerce est ensuite devenu le salon de coiffure de Dolorès Marty, mère de Patricia. Le souvenir de la gentillesse et de la générosité de Juliette reste très fort dans ma mémoire.
Très belle description, très réaliste, des Noëls de notre enfance dans ce village que l'on aime...
Merci Cine
JIEL
Pour répondre à Nicole, je pense qu'elle veut parler du magasin de Mme Pages entre le salon de coiffure et le du magasin d'Ernest (Vin et spiritueux et lait quand la famille de Fernand Courdil, notre fournisseur à la métairie de la ville est déménagé à sa ferme de "Ségovent")
Comme disait nos anciens on va chez "la Sourde" le surnom de Mme Pagès, comme beaucoup d’entre nous.
Elle avait un gros problème d'audition et portait un appareil auditif en permanence, peu utilisé dans ces temps. Un long magasin très bien garni.
Pour répondre à Nicole, il me semble que la mercerie petit bateau était tenue par Mme Pagès.
Cine toi qui regrettais lors de tes voeux sur le blog le manque de commentaire des lecteurs, tu as réussi en quelques lignes à réveiller les nostalgiques de notre enfance. Merci !
L'Oiseau
Et oui le progrès parlons-en s’il amène certaines choses positives , il a détruit cette vie communautaire qu’un rien faisait plaisir si dans ses nouvelles lois une me paraît bien c’est l’interdiction de fumer dans les cafés j’en sais quelque choses où était il le tabagisme passif comme le rappelle Gilbert
.....Ce voyage dans le temps, comme dit Marc, mériterait une grande place dans le livre
"il était une fois ...Chalabre." n'est ce pas M. le Président?
Merci à tous ceux qui m'ont rafraîchi la mémoire au sujet de Juliette Pages ; j'ai un peu honte d'avoir oublié son nom si vite .....
au bout de 60 ou 65 ans?!
La nostalgie nous est indispensable, pour faire équilibre avec le "progrès".....
En lisant le texte (merci Francine) et vos commentaires (merci à vous tous) j'ai fait un bond de 60 ans en arrière... et oui !
En fermant les yeux j'aurais même pu retrouver le goût des fondants ou des boules crème !