C'est une passion qui l’anime comme au premier jour, et qui trottait certainement déjà dans sa tête lorsqu’il portait les couleurs du Football-Club Chalabrois. Gérard Muelas, « un Chalabrois bon teint » comme il aime à se définir, invite à partager avec lui sa fascination pour la pêche au saumon.
« Que d'années passées et chemin parcouru depuis mes débuts de pêcheur sur la petite rivière « La Lauquette », entre Fajac-en-Val et le Mas-des-Cours, où tout gamin, le curé de Palaja nous convoyait régulièrement pour pêcher les barbeaux truités et les écrevisses qui peuplaient cet agréable petit cours d'eau, l'été.
Quelques années plus tard, lors d'un salon de la pêche au bois de Vincennes en région parisienne, j'ai découvert la pêche à la mouche qui en était à ses balbutiements, peu connue, peu pratiquée par les pêcheurs lambda. Conquis par cette technique et pour mieux la connaître, j'ai dévoré revues et livres traitant de cette pratique qui m'obsédait. Comme toute chose qui plait et après un apprentissage sur les cabots et les ablettes de la rivière Aude, du côté de Trèbes, j'ai commencé à progresser. Maîtrisant de mieux en mieux la technique, j'ai ensuite pêché les belles truites de l'Hers (la revue Plaisir de la Pêche n° 1 : auteur du récit d'un parcours sur l'Hers) puis les aloses qui remontent la rivière du côté de Moussan et Sallèles-d'Aude. La capture de ces aloses, baptisées « saumons du pauvre » car elles sont pêchées localement, sans frais excessifs, est comparable à celle d'un saumon par la combativité de ce poisson.
Pendant cette période, j'ai remporté la première place au challenge de pêche à la mouche de la Haute-Vallée de l'Aude et une 3e place au championnat des Pyrénées.
En attendant ma retraite, l'idée trottait dans ma tête que lorsque cette heure arriverait, je me consacrerais à cette pêche à la mouche du saumon, ce poisson extraordinaire par sa beauté et sa combativité, qui me faisait rêver et que je ne connaissais qu'en vidéo, films ou articles de revues.
L'heure de la retraite ayant sonné en novembre 2008, j'ai effectué mon premier voyage dans les Asturies en Espagne et découvert les trois belles rivières à saumon que sont : la Narcea, la Sella et la Devacarres. Cette expérience m'a donné l'occasion de réaliser un reportage paru sur internet au Club des Saumoniers et repris par Québec pêche.com sous le titre « Voyage de Pêche en Asturies par Gérard Muelas ». Je me suis ensuite rendu plusieurs fois en Irlande, cette île émeraude aux nombreux cours d'eau et sur les prestigieuses rivières d'Ecosse.
L'aventure venait de commencer mais ce n'était rien par rapport à ce qui m'attendait. En effet, j'ai adhéré en 2008 au Club des Saumoniers (CDS) où j'ai rencontré des passionnés de cette pêche qui m'ont entraîné vers le grand nord norvégien, bien au-delà du cercle polaire et plus précisément dans la région du peuple Sami, jusqu'aux rivières qui se jettent dans la mer de Barents, dans la péninsule du Varanger. Ce fut pour moi le grand déclic ! Maintenant, j'en étais certain, j'avais trouvé mes rivières de prédilection et je ne voulais plus pêcher que le saumon.
Donc depuis une quinzaine d'années, j'entreprends seul avec ma petite caravane, ce long périple de 4 300 kms, assuré ainsi d'une totale autonomie, d'autant plus que j'embarque toutes les denrées nécessaires pour tenir tout le séjour. Mon véhicule est également équipé d'un convertisseur ce qui me permet de brancher un petit congélateur qui, à l'aller, est plein de provisions et au retour, avec les poissons prélevés, sachant que certains ont été graciés ou consommés sur place.
Tous les dix jours parfois, j'accueille un coéquipier qui arrive à l'aéroport de Kirkenes et nous partageons notre art et nos techniques sur les rivières du Grand Nord.
Avant d'aller plus loin, je vais quand même vous décrire le long voyage que je fais tous les ans et ce qu'il faut savoir. Pour atteindre le bout de l'Europe, il faut prendre des autoroutes. Elles ne sont payantes qu'en France. Je traverse la France jusqu'à Strasbourg, puis l'Allemagne, quelques 1 800 kms. Ensuite, deux itinéraires sont possibles pour effectuer la traversée en ferry : soit depuis Rostock en Allemagne jusqu'à Trelleborg en Suède, soit depuis Puttgarden en Allemagne via le Danemark. Cependant ce second itinéraire vous oblige à emprunter le grand pont d'Oresundbron, payant, pour traverser vers la Suède. Si on arrive par Trelleborg, tout en bas de la Suède, il faut remonter le pays jusqu'à Stockholm, 650 kms plus haut. Puis je longe la mer Baltique pendant 1000 kms, visitant au passage les rivières Byske, Kalix, Torne et Lainio pour pêcher les saumons baltiques dont la chair est plus claire que les saumons atlantique, car ils se nourrissent essentiellement de harengs. Je traverse en suivant le haut de la Finlande pendant 600 kms pour arriver à la frontière norvégienne à Utsjoki.
Depuis toutes ces années où j'effectue ce même voyage que je connais par cœur, je ne cesse d'admirer les merveilleux paysages, les immenses forêts de résineux et de bouleaux, les innombrables lacs, les troupeaux de rennes et quelques fois un élan (qu'il vaut mieux éviter en voiture), un lièvre variable ou un grand coq de bruyère, des grues et autres migrateurs.
Encore 200 kms de plus et je suis enfin arrivé à destination où je m'empresse de monter mon camp de base. L'avantage de la caravane c'est de pouvoir disposer d'un véhicule pour bouger librement, ce que ne permet pas le camping-car. La voiture servira à accéder aux nombreux parcours et sorties de pêche, qui peuvent durer jusqu'à 24 h, car à l'époque de l'année où je pars, juin, juillet, il ne fait jamais nuit.
Pour ma part, j'essaye d'optimiser mes journées depuis 6 h du matin jusqu'à 18 h et prolonge parfois de 20 h jusqu'à 23 h. Dépaysement complet garanti ! La pêche, rien que la pêche et que la pêche à la mouche, avec parfois de très belles surprises au bout du fil, pouvant atteindre les 10 kg, ou bien plus exceptionnellement.
En cette année 2023, mon épouse Marie-Christine, maintenant à la retraite, m'accompagnera dans ce long périple tout en faisant du tourisme et en prenant notre temps. Elle rentrera en France en avion deux semaines plus tard, tandis que je resterai un mois de plus pour m'adonner à ma passion, au terme duquel j'entamerai le retour vers la fournaise de l'été méditerranéen, la tête pleine de bons souvenirs et le désir encore plus vif de repartir l'année suivante.
Bien que je me consacre essentiellement à la pêche du saumon Atlantique, il est néanmoins possible de prendre de belles truites de mer ou de l'ombre commun. Naturellement, il est nécessaire de s'acquitter sur internet de la licence de pêche norvégienne pour migrateurs qui coûte l'équivalent de 30 euros (la monnaie locale étant la NOK la couronne norvégienne) ET d'un permis quotidien ou à la saison, sur la rivière de votre choix. Les prix de ces permis varient en fonction de leur cote et peuvent être très onéreux. On peut aussi pêcher gratuitement en bord de mer ou dans les nombreux fjords très poissonneux pour prendre surtout du lieu noir et du cabillaud.
Ce voyage, vous le comprenez est assez coûteux si l'on tient compte de tous les frais engendrés, carburant, autoroutes françaises, pont et ferry, achat des permis, campings, mais reste quatre fois moins onéreux que par l'intermédiaire d'une agence de pêche spécialisée. Ce genre d'agence propose, à des tarifs élevés, un séjour pour une rivière, à une période donnée, où la pêche peut être bonne, comme complètement nulle, sans possibilité de changer d'endroit. Mon autonomie me permet d'être mobile et après consultation quotidienne des statistiques de remontées de saumons, de pouvoir m'adapter et choisir la rivière la plus productive.
Côté pratique, on trouve la plupart des commerces dans les centres urbains qui présentent le désavantage d'être la plupart du temps très éloignés, mieux vaut donc être prévoyant et anticiper. Pour entreprendre un tel voyage, est-il besoin de le préciser, il faut aimer conduire, être patient, téméraire parfois, pour faire face aux imprévus. Mon compteur affichera au total 11 000 kms entre les aller-retour et les déplacements sur place. A cette époque de l'année, point d'aurores boréales, elles apparaissent en hiver mais des paysages exceptionnels, des habitants tranquilles, peu bavards mais infiniment serviables.
Le nouveau départ est prévu mi-juin pour un retour début août. Nous rallierons cette belle contrée du grand Nord, ce village isolé de tout, inaccessible en hiver où il fait quelques moins 35°, seulement approvisionné en bateau depuis le petit port du fjord jusqu'à Batsfjord.
Enfin pour terminer, je vais évoquer cette technique particulière de la pêche au saumon à la mouche : elle peut se pratiquer de trois façons différentes, mais principalement en mouche noyée aval, ou en mouche sèche de surface appelée bombers dérivante ou encore en surface griffée sur l'eau « riffling hitch », au bout d'une soie lancée par une canne à deux mains puissante de 13 à 15 pieds de long, équipée d'un moulinet au frein fiable et puissant ».
A Tana Bru, Norvège, en compagnie de Jean Roig, journaliste à l'Indépendant
Un séchoir à morue
En 1996, Gérard Muelas faisait l’ouverture à la truite dans l'Hers, sous le château de Falgas
Commentaires
Impressionnant. C’est pas la pêche au vairon dans le Blau ou le Chalabreil.