Massif de Tabe, ancienne carrière de la Porteille
Photo archives, Août 2011
Au mois d’août de l’année 2011, trois randonneurs du Kercorb reprenaient leur bâton de pèlerin, direction Montferrier, la ferme du Ramier, et l’ancienne mine du Fangas. Sac au dos et béret vissé sur la tête, la cordée se proposait de rallier le pic Saint-Barthélémy, via les lacs. Le fameux Trou du Vent menant à l’ancienne carrière de la Porteille était rapidement atteint, mais arrivé à hauteur de la vieille machine à vapeur, vestige d’une exploitation de talc datant de 1896, l’attention de Daniel, premier de cordée, était attirée par un étrange alignement de pierres (photo ci-dessus). Le trio revenait sur ses pas, un peu contraint, pour découvrir un épigraphe gravé sur dix-neuf pierres, posées à même le sol et surmontées d’une pierre vulvaire. A la lecture, nul doute n’était permis, les Chalabrois étaient en présence d’un « Monument aux Vivantes ».
Photo archives, Août 2011
Renseignements pris dès le retour à la base, 3 cours Docteur Joseph-Raynaud, il apparaissait d’abord que cette structure était l’oeuvre d’un collectif ariégeois, signataire d’une lettre envoyée aux élus des 332 communes ariégeoises, sollicités afin d’accueillir sur leur sol, un monument dédié à « L’autre moitié de l’Humanité ». Visiblement confronté à une fin de non-recevoir, ce collectif avait décidé d’ériger en juillet 2011 et sur une friche industrielle ayant produit par le passé 100 000 tonnes de talc, son « Monument aux Vivantes ».
Plusieurs hivers viendront blanchir ces pierres, et à la faveur de veillées au coin du feu, l’identité réelle du créateur de l’œuvre posée à 1600 m d’altitude viendra à être connue. Depuis 2007, et après avoir assisté à une conférence de Jean Clottes, le sculpteur Claudius de Cap Blanc, pseudonyme de Jean-Claude Lagarde, peint, dessine et grave en pleine nature, le plus souvent en montagne (sur des rochers, des arbres, des abreuvoirs, des pierres), le signe stylisé d’une vulve (deux demi-cercles et un trait central). Des centaines et des centaines de signes et de pierres auront ainsi été gravés et déposés par notre « vulvographiste », la plupart en Ariège, et en 2017, 1867 signes gravés et 1213 pierres seront dénombrés, qui parsèment la montagne de signes sacralisant le féminin.
Ces dernières années, et aux abords du Prat d’Albis, un lieu qui parle aux amateurs de vélo, Claudius de Cap Blanc (photo) avait entrepris la construction du « Jardin du vulvolithique », sur un site qu’il avait nommé « Béthylac ». Mais en juillet 2022, l’ONF propriétaire du site l’avait mis en demeure de remettre le site naturel en état, de tout démonter et de tout évacuer. Puis, en octobre dernier, le jardin avait été saccagé à la hache et à la peinture. C’est au pied de ce jardin que le corps de Claudius de Cap Blanc a été retrouvé par des randonneurs, en ce 11 novembre 2022, une arme et une lettre à ses côtés.
Comme tout artiste, Claudius de Cap Blanc avait de nombreux partisans, il avait aussi de nombreux détracteurs, et cela est un autre débat. Mais en ce 28 décembre 2012, Thierry, Philippe et Titou s’étaient recueillis devant le Monument aux Vivantes du Saint-Barth, en partie recouvert par la neige. Comme s’ils avaient voulu percer le mystère de la puissance évocatrice de trois traits, « symbole mis sous cloche par des millénaires de civilisation patriarcale » (Claudius de Cap Blanc).
La cordée chalabroise devant le Monument aux Vivantes
Photo archives, 28 décembre 2012
Un dernier hommage a été rendu à Claudius de Cap Blanc, le mercredi 30 novembre dernier. L'occasion de rappeler l'existence du Musée de l'Affabuloscope, dont il est également le créateur, et qui peut être visité au Mas d'Azil.
Lien vers le site : https://museeaffabuloscope.fr/
Et au gré de la visite, une question qui ne manquera pas d'interpeller l'ami Raymond, Ariégeois lui aussi.
Commentaires
Nombre de randonneurs locaux ont tôt ou tard croisé sur leur chemin une figure sculptée, symbole de l'oeuvre de Claudius de Cap Blanc. Notre équipe de copains randonneurs a souvent rencontré cet artiste. Nous lui rendions visite plusieurs fois par an à Béthylac, sous le Picou, au dessus de Foix. Cet homme, à l'imagination fertile, n'avait qu'une obsession, rendre hommage à la femme. Certes, il le faisait sur le domaine public mais que dire des gravures rupestres de la vallée des Merveilles ou autres sîtes néolithiques...
Mais, c'était sans compter sur notre administration qui a décidé de jouer aux talibans, sommant Claudius de Cap Blanc d'effacer de nos yeux toute cette symbolique. Bien entendu, les hommes de main de nos courageux fonctionnaires se sont chargés de la basse besogne en saccageant l'ensemble de l'oeuvre, souillant ainsi la mémoire de Simone Weil, Olympe de Gouges, Louise Michel et bien d'autres femmes.
Merci Momo d'avoir fait en sorte que tout le monde sache et que personne n'oublie Claudius.
C'est en quelque sorte du "Land Art", je trouve ces témoignages plutôt jolis car discrets...
Merci Momo pour ces éclaircissements !