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Las cronicas d'En Josep : l'affichette rouge

Au cours de l’année 1994, notre concitoyen José Navarro publiait une chronique dominicale, sous la forme d’un dialogue engagé avec une grand-mère témoin de son temps. Le texte mis en ligne évoque Charles Amouroux*, et avait paru dans l’Indépendant, édition du lundi 25 avril  de cette même année. 

josep navarro*Né le 24 décembre 1843 à Chalabre, mort le 24 mai 1885 à Paris. Ouvrier chapelier, franc-maçon, membre de l’Internationale, élu membre de la Commune de Paris, déporté en Nouvelle-Calédonie.

« La mameta venait de ce temps où le chocolat au lait représentait un luxe mais elle n'aurait jamais raté son quatre heures composé d'une tartine trempée, à défaut de chocolat dans un grand bol de vin sucré. D'ailleurs, sans un peu de vin, « i a pas res que te tengue l'estomac » disait-elle sans se retourner, les yeux fixés sur la rue. C'est d'ailleurs de son poste d'observation préféré qu'elle m'annonça après un bref silence : « Mas es pas aquel pilhart ? Ça faisait au moins 25 ans que l'aviai pas vist ». Mémé faisait dans l'euphémisme, le pilhart en question devait avoir allègrement franchi la cinquantaine. Tu vois continua-t-elle, « i a pas res a faire, a Eissalabra quand i es nascut i tornas totjorn ». Tiens, c'était bien vrai cela, il venait de me passer sous les yeux un document qui m'apportait réponse à une question que je me posais depuis bien longtemps et qui prouvait l'affirmation de ma grand-mère.

Mais pour cela revenons à 1871, nous sommes le 30 mars et il est dix heures du soir. La gendarmerie impériale en la personne de Fabre Pierre Paul et de Carrier François, « gendarmes à cheval en résidence à Chalabre », font la tournée des cabarets, lieux de réunion préférés de la populace en mal de mauvais coups. Remarquons, avant d'aller plus loin, que l'administration n'avait pas à l'époque la célérité des chasses aux sorcières de nos jours, aux changements de gouvernement. En effet, l'Empire est tombé en septembre 1870 avec la défaite de Sedan qui entraîne l'institution de la IIIe République et nous sommes le 30 mars 1871. Ce qui veut dire que six mois après la chute de l'Empire, à Chalabre, la gendarmerie était toujours impériale.

Donc, ce soir-là, nos deux gendarmes entrent chez Ferrand Baptiste, cafetier, et leur attention est immédiatement attirée par une affichette rouge accrochée à la tapisserie. Ils s'en emparent et y lisent : « Citoyens, la chambre royaliste voulant tuer la République, le peuple, la garde nationale et l'armée de Paris ont déclaré sa déchéance. Lyon, Marseille, Toulouse, Saint-Etienne et toutes les villes de France ont suivi le mouvement de Paris ! Préparons-nous à faire comme elles. Sauvons l'ordre et la République ! Vive la République ! Un délégué du comité de Paris, Amouroux ».

Bien sûr, le cafetier Ferrand n'a pas remarqué qui a bien pu placer l'affiche là. Toutefois, le lendemain, les gendarmes interrogent le jardinier Izidore Salvat qui les informe simplement que c'est son journalier, dit Maïmié, qui lui avait donné ce papier que son enfant avait « trouvé ». Et lui Izidore, a mis ce papier à la poche et l'a amené au café « sans croire faire du mal ». L'affaire en restera là, lorsqu'on aura pris les renseignements qui s'imposent sur cet Amouroux, « natif de Chalabre, domicilié à Paris, on le dit émissaire du gouvernement de Paris ». Et on sait qu'à ce moment, la France avait deux gouvernements : l'un à Paris, la Commune, issu d'un mouvement insurrectionnel, l'autre à Versailles dont le seul but alors est de maîtriser Paris. La Commune à envoyé Amouroux sur les routes de France pour pousser les grandes villes à imiter la Capitale. Il faut dire qu'il était habitué à voyager, et si tu penses, Mamète que sans TGV, les voyages devaient se traîner en longueur, tu te trompes. Parti de Marseille le 29 mars, on le retrouve donc à Chalabre où « il a fait une visite à ses parents », le 30 et, dès le 1er avril, il est déjà de retour à Paris car on sait qu'il siège ce jour-là à la Commune, où il vient d'être élu ! Ouf ! Pour la gendarmerie impériale qui par acquis de conscience fera le tour de tous les lieux publics sans rien trouver d'autre comme affiche séditieuse, cela ne fera qu'un rapport de plus à envoyer à toute la hiérarchie des autorités départementales.

« Et bien tu vois Mémé, cet Amouroux là, il était parti de Chalabre avec sa famille à l'âge de 5 ans. N'empêche que, comme tu le disais, on finit toujours par y revenir.

- E es pr'aquo que me contet tot aquo ?

- Oh, tu sais c'était pour dire...

- E ben calha te ara, que je trouve que la commune, après les casseurs del Casal aquo comença a faire un chic revolucionari ».

josep navarro

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