L’article mis en ligne avait été publié dans l’Indépendant, édition du lundi 27 octobre 2003. Aujourd'hui ce fier guerrier, que l’on croyait disparu, parti comme il était venu, appelé peut-être vers d'autres théâtres de combat, trône dans la vieille demeure des Comtes de Mauléon.
L'imagination au pouvoir sur les berges du Chalabreil (photos archives octobre 2003).
Sa présence ne peut échapper à l'attention du promeneur qui emprunte la vieille passerelle jetée sur le Chalabreil, un char tout droit sorti d'un colisée romain surveille depuis quelques semaines déjà les allées et venues du quidam chalabrois. Véhicule des guerriers, synonyme de conquête militaire, ce superbe char, fruit d'une imagination fertile, est d’abord restée une œuvre anonyme.
Une chose est certaine, meilleur endroit que la place du Pont Rouge ne pouvait être choisi par Jean-Claude Sicre, pour exposer à l'œil critique ce symbole divin. C'est en effet dans un char rouge de feu que le prophète Elie fut transporté vers le ciel, comme pour figurer la primauté de l'esprit sur le corps, nécessairement détruit lors de l'ascension.
Chacun pourra trouver dans cette œuvre métallique la symbolique qui lui convient. Pour les Hindous par exemple, le char est une évocation de l'égo, le cocher (esprit) utilise les rênes (volonté et intelligence) pour maîtriser les chevaux (force vitale) qui tirent le char (corps). Loin peut-être de toutes ces interprétations, ce digne descendant de Ben-Hur ne descendait-t-il pas tout simplement des thermes de la Terre-Blanche où il avait eu tout loisir de faire ses ablutions ?
Par leur geste, ces derniers auront mis fin à dix années d’existence paisible dans le lit du Chalabreil, pour ce volatile invariablement insensible à la montée des eaux, ou à la prolifération des herbes hautes, et qui jamais n’avait eu l’envie de migrer. Spectateur d’un vaste chantier en septembre 2013, lors du remplacement de la vieille passerelle, il était surtout le gardien de la mémoire de l’ami Jean-Claude, ferronnier d’art disparu en juillet 2011.
La triste nouvelle que chacun redoutait est tombée ce lundi 4 juillet, Jean-Claude Sicre avait cessé de vivre, vaincu par un mal contre lequel il luttait courageusement depuis décembre dernier. Dès l’annonce de son décès, survenu à l’âge de 65 ans, toute une génération d’amis et partenaires de jeu, s’est retrouvée aux côtés de ses proches, dans le souvenir d’un passé commun et heureux. Jean-Claude Sicre était né à Chalabre le 1er mai 1946 et la première balle avec laquelle il avait joué était assurément ovale, tant son implication au sein de l’Union Sportive Chalabre XV aura été entière et constante. Incontournable élément de la première ligne, pilier et capitaine, il emmènera son équipe jusqu’au titre de champion du Languedoc 5e série lors de la saison 1969-1970. Avec ce bouclier, doublé d’une finale du Challenge Alpes-Méditerrannée remportée en 1976, il sera l'un des fers de lance du quinze aux couleurs du Kercorb, alors sous la présidence de Raymond Fort. Et s’il remise le maillot dans le milieu des années 1980, non sans avoir transmis sa passion à Stéphane et Romain ses deux fils, c’est pour arborer le paletot blanc bleu des « Badalucs », association de vétérans.