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Bonheurs d’enfance

Quand les images d'une enfance vécue dans notre voisine Ariège, rappellent également des souvenirs aux grands enfants du pays chalabrais. L'ami Bernard se souvient, juste comme si c'était hier. 

Bonheurs d’enfance

De ma tendre enfance, dans Le Peyrat des années cinquante,

Il y a tant de bonheurs qui me reviennent à la mémoire,

Des scènes de la vie d’autrefois, de la vie courante,

Des personnages, des odeurs, et des belles histoires.

 

Ce n’étaient que des petits bonheurs bien ordinaires

Pour le petit enfant de l’époque, mais devenu papy

Il se demande aujourd’hui en faisant l’inventaire,

Qu’on ne peut et on se doit de ne pas les laisser dans l’oubli.

 

Je me souviens, mais comme vous aussi sans doute,

De ces ambulants, on ne parlait pas encore d’artisans,

Qui chaque année s’arrêtaient au village, sur leur route,

Pour rendre quelques menus services à ses chiches habitants.

 

Sa place habituelle était sous le grand platane,

Ce n’était que de la terre battue, pas encore de goudron,

Mais ça lui suffisait au rétameur pour qu’il dépanne,

Et puisse faire fondre l’étain dans un grand chaudron.

 

Annoncé au son de son tambour par Monsieur Moulins,

Les femmes lui apportaient casseroles, faitouts et bassines,

Alors avec quelques sous pour seul gagne pain,

Il remettait à neuf bien des ustensiles de cuisine.

 

Pour quelques jours, il était l’attraction des enfants

Qui contemplaient cet homme au visage bruni, un peu magicien

Tremper fourchettes et cuillères usagées dans cet étain brillant

Pour les ressortir belles et éclatantes en un tour de main.

 

Il passait aussi le rémouleur tirant sa remorque atelier,

Il aiguisait tout, couteaux, ciseaux et haches sur sa meule

Qu’il actionnait en pédalant d’un rythme régulier,

Et nous regardions étonnés s’échapper ces gerbes d’étincelles.

 

Et ce dentiste ambulant, plutôt l’arracheur de dents,

Ce petit homme au chapeau qui revenait tous les ans,

Avec dans sa mallette seulement quelques instruments,

Un extracteur et deux ou trois pinces pour soulager les habitants.

 

Comme soins dentaires, il ne fallait compter que sur l’extraction,

Pas de roulette ni de plombage, et pour atténuer la douleur,

Un bon verre de gnole qui était aussi radical pour l’infection,

Et il clamait que cela ne faisait pas mal, un vrai menteur.

 

Il restait quelques jours, dormait chez Eugène, Monsieur le Maire,

Sur une paillasse dans la grange, se contentant de peu,

Avec quelques billets et victuailles comme seuls honoraires,

Parfois il partageait la table des villageois, c’était bien mieux.

 

Plus régulièrement car habitant Chalabre, venait le matelassier,

Surnommé le Nanet car il n’était pas bien grand,

Il s’installait sous la place pour exercer son métier,

Et réparer les matelas bien fatigués par l’usure du temps.

 

Il enlevait alors la toile rayée constellée d’auréoles,

Et avec une petite machine, une cardeuse, après avoir ôté la laine,

Il la nettoyait, l’étirait pour la regonfler, et après contrôle,

Il la disposait entre les ressorts de façon homogène.

 

C’était toujours un tissu rayé, une toile de coutil

Qu’il utilisait pour la finition, gris ou bleu sur fond blanc,

Et puis avec toutes sortes d’aiguilles et du gros fil,

Il surfilait et cousait ourlets et bourrelets avec talent.

 

Avec leur roulotte tirée par des chevaux faméliques

Passaient bien souvent des nomades, des gitanes,

Ils vendaient des babioles et faisaient des numéros de cirque,

Et je revois dans le pré de Laffont ce campement de caravanes.

 

Ils étaient bien pauvres et toujours aussi sales,

Attention aux poux nous disaient nos parents,

Ils n’étaient guère appréciés car après leur passage,                              

Il manquait toujours quelque chose à certains habitants.

 

Grâce à eux, j’ai le souvenir d’avoir vu sous le préau de l’école,

Tenu en laisse par un de ces moustachus un ours faire des mimiques,

Et aussi dans une cage en fer dressée sur une carriole,

Un gorille tout noir, bien malheureux, loin de son Afrique.

 

Vous devez vous en souvenir du peilharot, le dénommé Bijou,

Il venait de Rivel tous les dimanches matin avec sa mobylette,

Pour récupérer les peaux de lapins et ce pour quelques sous,

En criant peau de lapin, peau de lapin, au son de sa trompette.

 

Dans ce village campagnard beaucoup avaient leur élevage,

Car l’argent manquait sûrement pour aller à la boucherie,

Et chez mes grands-parents pour préserver ces jolis pelages,

Les peaux étaient tendues avec des bâtons ou de paille garnies.

 

Mais Bijou avait un concurrent, le corpulent et célèbre Roncalli,

Célèbre car il était un cousin du Pape Jean vingt-trois,

Et avec sa camionnette il récupérait un peu tout, les vieux habits,

Les cartons, la ferraille et ces fameuses peaux, ça va de soit.

 

Régulièrement avec tapis et couvertures sur les épaules

Nous rendaient visite quelques marchands bronzés, les Catalans,

Il fallait marchander les prix demandés, c’était tout drôle,

Mais ils étaient bien acceptés ces vendeurs venant de Léran.

 

On disait que c’était de la marchandise de contrebande,

Mais il y avait des acheteuses pour compléter les trousseaux,

Avec draps, couvertures et torchons, sans peur de réprimande,

Mais avec parfois quelques surprises, la qualité faisant défaut.

 

Mémé Albanie pensait avoir fait une bonne affaire

En achetant à un bon prix fourchettes et cuillères en argent,

Sûr, elle était belle dans son écrin de velours rouge, la ménagère,

Mais rapidement les couverts avaient perdu de leur brillant.

 

C’était bien une petite voiture et non pas une barque

Avec laquelle se déplaçait Monsieur Monnier, le photographe,

Ce vieil homme avec sa barbichette et chapeau, tel un monarque,

Venait nous tirer le portrait avant un devoir d’orthographe.

 

Alors devant l’école, nous étions rassemblés, immobiles et sérieux,

Pour la photo de groupe avec Mlle Sergolle et M. Pousse,

Devinant devant nous sous un tissu noir le vieux Monsieur,

Et espérant voir sortir le petit oiseau de sous cette housse.

 

Il y a bien longtemps mais les odeurs sont tenaces,

Dans mon esprit ressortent les effluves de cette époque,

L’odeur suffocante de l’alambic et cette eau de vie coriace

Que nous allions goûter en cachette dans la bicoque.

 

J’ai encore dans les oreilles le son du marteau sur l’enclume

Donné par le Fantou du fond de son antre toute noire,

Et cette odeur de corne brûlée, pleine d’amertume,

Quand il ferrait un cheval ou un bœuf, toute une histoire.

 

Je ne ressens plus aujourd’hui ce parfum de pain frais,

Il n’y a plus de fournil, les boulangers épuisés ont abandonné,

C’est bien propre, plus de rigole rouge devant chez le Pierret,

Et les odeurs de vin ne chatouillent plus mon nez.

 

Ah, ce joli bruit de clochettes accompagnant les troupeaux

Quand après la pâture les vaches rejoignaient leur étable,

L’odeur du foin fraîchement coupé, le bêlement fragile des agneaux,

C’était tout cela les petits bonheurs, et non pas une fable.

                             Bernard (mai 2015)

Commentaires

  • Que de doux souvenirs en chacun de nous ! Qui se souvient de la scierie au Pont de l'hers,? Et de la repasseuse Mme Blouin à l'angle du pont du blau?
    En cette période Pascale je me souviens des oeufs en chocolat à la sortie de l'église vendues par les soeurs.
    Tout ce que cite Bernard semble si lointain, presque irréel, Mais on a eu la chance de l'avoir vécu. .

  • Du Peyrat à Chalabre, via Sainte Colombe et Rivel....Tout est dit et en poésie...
    Merci Bernard

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