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  • La fête du cochon

    Au terme d'une série de travaux de recherche aussi anciens que sérieux portant sur le cri d'un cochon qu'on égorge, un groupe de scientifiques a réussi à séquencer trente-six intonations différentes, chacune traduisant un très vif mécontentement. Ce constat pourra certainement être confirmé par Bernard Cnocquart, témoin d'une époque, et auteur du poème mis en ligne aujourd'hui.  

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    La fête du cochon

     

    Acheté tout chétif dès le mois de janvier,

    Au marchand de Fougax, un dénommé Jany,

    Le petit porcelet a beaucoup profité

    Grâce à ces betteraves et le vieux pain rassis.

     

    Avec les premiers froids, lui le joli porc bien gras,

    Ne se doute t’il pas, qu’avec la vieille lune,

    Passer en quelques jours de la vie à trépas,

    Mais le jour est venu pour la sanction commune.

     

    A vu d’œil, Léon l’a soupesé, il fait bien deux quintaux,

    Ils choisissent le jour, ce sera samedi,

    Car il faut bien du monde et surtout des costauds,

    Pour que cette tragédie ne soit pas comédie.

     

    On ressort le matériel, les racloirs, les couteaux,

    La vieille moustadoure, la bascule tremblante,

    Et puis de bon matin, on allume le feu avec quelques copeaux,

    Pour qu’à l’heure propice, l’eau soit bien bouillante.

     

    Ça y est, c’est l’heure grave, grand père avec son crochet

    Tire le condamné, il est solide mais il a bien compris

    Que la partie est perdue face à ces hommes décidés à tuer,

    Mais il va crier, se défendre, espérant un sursis.

     

    Chacun à une patte, il est empoigné, retourné,

    Moi, tout jeune enfant, je le tiens par la queue,

    Mais je ferme les yeux en voyant mon pépé

    Enfoncer le couteau et tout ce sang visqueux.

     

    La grand-mère Albanie, toujours de noir vêtue,

    A pour la circonstance mis un tablier bien blanc,

    Pour récupérer le sang de l’animal qu’on tue,

    Dans un grand plat de grès, toujours en remuant le liquide fumant.

     

    Pas de cris de joie, mais les regards sont tristes, fuyants,

    Car depuis presque un an, il était lui aussi un peu de la maison,

    Mais c’était nécessaire, car la vie est bien dure dans le monde paysan,

    Avec bien plus souvent la soupe de patates que le bon saucisson.

     

    A quelques kilos près, pépé avait vu juste,

    Mais il faut se dépêcher car l’eau est à point,

    Alors il y est plongé par ces hommes robustes

    Qui en quelques minutes le pellent avec soin.

     

    Ce cadavre bien propre est alors suspendu

    Au milieu du couloir, les pattes écartées,

    Et à grands coups de couteau, le gros ventre est fendu

    Pour y récupérer les entrailles encore enfumées.

     

    Les corbeilles sont remplies avec cette tripaille

    Que les femmes et les hommes portent à la rivière,

    Et dans cette eau glacée en ce jour de grisaille,

    Elles sont bien nettoyées sans faire de manière.

     

    La tête déjà tranchée, on a vite récupéré

    La bonne viande rouge pour le repas du soir,

    Pour le bon cassoulet et la traditionnelle fricassée,

    Mais déjà dans le chaudron cuit le boudin bien noir.

     

    Puis dans cette eau gluante on fera le millas,

    Celui de couleur noire, pas trop appétissant,

    Moi, je préfère mieux le blanc, celui plus délicat,                                                  

    Et que mémé prépare pour le petit gourmand.

     

    Le cochon est tout raide dans ce couloir glacial,

    Alors de bon matin, les hommes commencent la découpe,

    Et autour de la longue table et sans cérémonial,

    Les filles et les garçons, tout le monde s’attroupe.

     

    Léon n’est pas boucher, mais il a du métier,

    Car en très peu de temps, il a terminé sa besogne,

    Mais il n’a pas oublié le petit écolier,

    Pour qui il a chapardé le bout de carbonade, sans vergogne.

     

    Les gros jambons découpés seront bientôt salés,

    Par quelques mains expertes car il ne faut pas les manquer,

    Les viandes sont triées, mélangées pour faire des pâtés,

    Mais pour les saucissons, la manivelle il faut tourner.

     

    Après quelques poignées de poivre et de sel, on goutte avec les doigts

    Mais rien ne vaut le tastet cuit dans la cheminée,

    On rajoute quelques pincées, une, deux et puis trois,

    Et on mélange encore à grands coups de brassées.

     

    Ah, pour les saucissons, c’est bien plus rigolo,

    Il faut faire attention car la tripe est fragile,

    Sans trop de brusquerie, il faut y aller mollo,

    C’est le travail des dames, elles sont bien plus habiles.

     

    Dans l’âtre flamboyant, dans l’imposant chaudron,

    Cuisent les bas morceaux car tout est profité

    Qui dans la graisse bouillonnante deviennent des fritons

    Pour faire ce met bien graisseux mais fort apprécié.

     

    On cherche un dégourdi pour gonfler la vessie,

    Qui après maints efforts devient un gros ballon

    Pour contenir la graisse, toujours pas de gâchis,

    Car il a tout donné ce brave et bon cochon.

     

    Ça y est, c’est terminé, sur la petite table en bois de pin,

    La grand-mère Albanie dispose quelques assiettes

    Qu’elle remplit de millas, un peu de coustellou, une anse de boudin,

    Et pour les plus intimes de ce bon pâté de tête.

     

    On appelle cela comme c’est la coutume, le présent du curé,

    Car on n’oublie pas dans ces familles pauvres le service rendu,

    Par les voisins, les amis, qui au cours de l’année

    Les ont souvent aidés, ce serait mal venu,

    Mais il y a bien longtemps, c’était le temps de la solidarité,

    Du respect, de la loyauté, ces valeurs quelque peu disparues.

     

                     Bernard Cnocquart (Novembre 2008)

  • C'était hier : Badaluc avait la tête trop prêt du bonnet

    L'article mis en ligne avait été publié dans l'Indépendant, édition du jeudi 29 avril 2010.

    carnaval chalabre 2010Badaluc et le grand prêtre Atahualpa son complice. Deux aigrefins de haut vol, assistés d'une déesse de la pluie, un poil farfelue. (photos archives avril 2010).

    Il flottait en ce dernier samedi d'avril un parfum de fête d'autant plus léger que l'arrivée de sa majesté Carnaval par la Porte d'Aval était annoncée. Première entorse faite au protocole, mais pas la dernière, Badaluc le 41e va faire son entrée par la Porte d'Amont. Un contre pied que les pistons flingueurs de l'OPVC rompus à la pratique du contre-ut vont tolérer sans sourciller. L'incident diplomatique était évité et son Altesse venue de l'altiplano andin condescendait à accepter les clefs d'or de la ville. L'instant solennel était rehaussé par la présence de Cercopeyros et Icalana John (photo ci-dessous), deux pointures scientifiques auxquelles s'était joint Atahualpa Rouzalpadici, grand prêtre visiblement illuminé pour ne pas dire allumé.

    carnaval chalabre 2010

    Trois sommités requises afin d'analyser la brillance d'une pierre à tel point lumineuse que depuis trois jours, la nuit ne tombait plus en Kercorb. Pendant ce temps et malgré les honneurs rendus à sa personne, l'illustre visiteur donnait la désagréable impression de prendre les autochtones d'un peu haut, avec son air mélancolique et brumeux. On saura plus tard et donc trop tard, que le supposé bienfaiteur des gens d'ici avait employé son voyage depuis Cochabamba à Eissalabra via le Canavayrou, à mâcher « un sacat » de feuilles de coca.

    Mais le Chalabrois n'étant pas susceptible, le privilège de vivre des instants aussi divins en compagnie de ce fier descendant d'une parenté prestigieuse, sera partagé par le plus grand nombre. A la nuit enfin tombée, un cortège de masques envahira les rues d'une bourgade d'ordinaire paisible, métamorphosée par la présence de l'homme au «chullo », traditionnel galure des locataires de l'énigmatique cité de « Machu Picchu ».

    carnaval chalabre 2010

    Le charme pourtant ne durera que l'espace d'une courte nuit, et la clarté du jour une fois revenue, l'imposteur ne fera plus illusion. La bienséance oblige à passer sur certains détails, tous plus accablants les uns que les autres (voir photo ci-dessous).

    carnaval chalabre 2010

    La coupe était bien pleine et Badaluc XLI ayant trahi la confiance de ses hôtes, le tribunal d'inquisition avait les mains libres pour le réexpédier vers sa cordillère natale. Ce qui fut fait, malgré les imprécations de « Mestre Rema Salsa », avocat de la défense à jeun d'avoir sauvé un seul de ses clients après plus de quarante ans de plaidoiries. Ainsi se terminait la visite d'un affligeant mystificateur, en présence d'une multitude déconfite et en pleurs.

    carnaval chalabre 2010

    carnaval chalabre 2010

    carnaval chalabre 2010

    carnaval chalabre 2010

    carnaval chalabre 2010

    carnaval chalabre 2010

  • En souvenir d’Isabelle Pierobon

    isabelle pierobon

    Les personnels de l’Ehpad des Hauts-de-Bon-Accueil ont eu une pensée pour Isabelle Pierobon, ancienne résidente, qui vient de décéder à Quillan dans sa 103e année. Le 6 juillet 2017, une date et un anniversaire avaient été célébrés en compagnie de sa famille, des amis, et du personnel de l’hôpital. Chants, histoires, rien n’avait manqué à la fête, Isabelle Pierobon alerte centenaire avait guidé ce jour-là une chenille des plus enlevées. Révélant juste avant de souffler les bougies, les secrets d’une vie bien remplie.

    isabelle pierobon