L'ami Bernard a gardé la nostalgie de son enfance au bord de la rivière, et des plaisirs bien simples qu'elle pouvait procurer. Des souvenirs qui ne peuvent s'effacer de sa mémoire.
Au bord de la rivière
Parfois ressortent de ma mémoire les années de mon enfance,
Passées dans ce petit village que je n’ai jamais quitté,
Je me revois alors au bord de cette rivière durant les vacances
Avec tous les copains, théâtre de bien de journées d’été.
Si dans le gouffre du « pré de Laffont » on déversait les ordures,
La pollution bien que visuelle n’était pas encore chimique,
Et l’Hers était encore ce beau cours d’eau que Dame Nature
Avait privilégié avec quantités de truites, poissons magiques.
Combien de pêcheurs au bord de tes berges, les paniers remplis,
Malgré ces braconniers voraces presque professionnels,
Il y avait du poisson pour tous, les gens étaient ravis
De voir ces nombreux salmonidés, fario ou arc en ciel.
Pour imiter les pêcheurs chevronnés, nous coupions des roseaux,
Et avec quelques accessoires ils nous servaient de lignes,
Pour attraper des vairons, les fameuses rabotes dans ce ruisseau,
Mais pour une pêche plus miraculeuse, nous changions de consigne.
Avec des galets, nous faisions, dans la rivière un petit chenal,
A l’endroit où les petits poissons (les gendarmes) frayaient,
Et avec une bouteille blanche au cul percé, c’était le piège idéal,
Alors nous prenions par centaines ces rabotes au ventre argenté.
Si avec nos misérables cannes, nous étions de piètres pêcheurs,
Il était bien plus facile pour certains d’entre-nous,
De profiter de la baisse des eaux (les shécades), parfois avec frayeur,
Pour crocheter quelques belles truites remisées sous les cailloux.
L’équipe de braconniers en herbe était bien organisée,
Car il y avait quelques risques pour ces plaisirs défendus,
Et si parfois une couleuvre d’eau remplaçait le poisson convoité,
La peur du garde pêche rendait ces moments plus ardus.
Je faisais bien souvent le guetteur, écoutant et scrutant,
Et si le bruit d’une moto, la vue au loin d’un inconnu,
Interrompait notre partie de pêche pendant un court instant,
« le régateit » n’a jamais pu nous mettre la main dessus.
Pour moi, la plus belle de toutes, c’était la pêche aux écrevisses,
Ce petit crustacé d’eau douce, jadis tant convoité,
Il peuplait en quantité des parties de rivière, coins propices,
Vers le fond de la plaine, là où les eaux étaient moins agitées.
C’était durant les mois de juillet et août que nous la pratiquions,
Nous ressortions alors les balances pour cette pêche divine,
Un filet dans deux cercles de fil de fer lesté d’un bout de plomb,
Et agrémenté d’une ficelle pour les déposer au plus près des racines.
Dans l’après-midi, nous allions chez les bouchers, Escot ou Vidal,
Et avec quatre sous nous achetions des bas morceaux de viande,
Qui garniront ces fameuses balances et feront un appât idéal,
Pour piéger ces écrevisses, pour nous crustacés de contrebande.
Comme ces animaux fuient la lumière, nous préférions le crépuscule
Pour cette expédition parfois risquée mais tant désirée,
Et alors sur la berge, à la lumière de la lune qui ondule,
Heureux, nous attendions les premières prises avec anxiété.
Pour majorer nos chances, nous imbibions l’appât de térébenthine,
Alors les écrevisses par l’odeur alléchées remplissaient les balances
Que nous relevions avec un bâton fourchu, avant que l’on devine,
Prises dans le filet ces drôles de bestioles dans un profond silence.
A la lumière d’une lampe Wonder, nous faisions le tri,
Rejetant les petites, respectant la taille ou celles trop molles,
Et si parfois leurs grosses pinces nous faisaient pousser un cri,
Nous en gardions assez pour remplir les casseroles.
Quelles étaient succulentes préparées en sauce armoricaine,
On se régalait bien mais on ne les mangeait pas toutes,
Car pour nous écoliers, c’était un petit trésor clandestin,
Et nous allions alors les vendre ces petites langoustes.
Juchés sur nos vélos, en essayant d’éviter la maréchaussée,
Nous proposions notre pêche aux restaurants du coin,
Au restaurant Chez l’Ours à Bélesta, à Laroque, Hôtel de la Cité,
Et même à Foix, la Barbacane, mais à vélo, c’était bien loin.
Il y a longtemps que ces crustacés ont quitté la rivière,
Tués par cette pollution ou quelques crues dévastatrices,
Si au lac de Montbel, on en pêche encore mais des étrangères,
Elles ne valent pas celles de mon enfance, ah, ces écrevisses.
Bernard