En cette journée particulière, un conte de Noël proposé par l'ami Bernard, pour mettre un petit peu de baume dans les cœurs.
Le sapin de Noël
Noël était passé depuis une semaine, la neige dans les rues était encore là, je marchais lentement quand soudain j’entendis comme un gémissement au bord de ce chemin. Ces cris que j’entendais me semblaient surhumains, et c’est alors que là, à quelques pas de moi, dans le fond du fossé qui bordait cette route, je vis un tas d’ordures, des papiers de noël aux tons multicolores, des cartons d’emballage, et même quelques restes du repas de la fête.
Je me suis approché, et là soudain j’ai vu une petite branche d’un sapin de noël, enseveli et meurtri sous ce gros tas d’ordures. Au plus haut de l’arbuste était restée encore une petite étoile. Quand je l’ai regardée, j’ai cru à un miracle, deux petits yeux mouillés qui fixaient mon regard et une petite voix enfantine et plaintive me parlait lentement, alors tout doucement de mes deux bras vaillants, je sortis le sapin et l’amena chez moi.
Les branches tout à coup redressèrent leur port, et soudain le petit résineux de trois ou quatre années se mit à me parler de sa plus tendre enfance.
J’étais heureux là bas, en haut de la forêt où nous vivions ensemble, mes parents, mes amis et tous mes bons copains, très jeunes comme moi. Quand le printemps venait, la mousse repoussait au pied de nos racines, même les fleurs sauvages aux couleurs chatoyantes sortaient de ça et là, des petits écureuils sautaient de branche en branche, cherchant l’arbre idéal pour y faire leur nid. Lorsque les jours plus longs nous annonçaient l’été, les rayons de soleil qui transperçaient nos branches nous permettaient à tous de refaire les pousses pour l’année qui venait.
Quand l’automne était là, tous nos amis les arbres revêtaient leurs habits aux couleurs magnifiques, le rouge et le vermeil, le blond des châtaigniers, qui pour remercier notre mère nature, nous faisaient un tapis de succulents marrons, que les gens du village se faisaient un plaisir de venir ramasser. C’était aussi le temps ou venaient en grand nombre tous les gens du pays, munis d’un bon couteau et d’un panier d’osier pour cueillir tous ces cèpes, rousillous et bien d’autres, souvent sortis de terre dans le cours de la nuit. C’était un vrai bonheur de les regarder faire.
Après quelques semaines, le froid vif arrivait. D’abord quelques flocons tourbillonnaient en haut de la cime des arbres, et puis c’est à grands pas que l’hiver s’annonçait. La neige tombait drue, nos parents bien plus grands et surtout bien plus hauts, nous faisaient comme un toit de leurs branches écartées, pour alléger le poids de la neige trop lourde, qui nous faisait pencher la tête vers le sol.
Que c’était beau l’hiver, cette blancheur extrême qui nous recouvrait tous d’un joli manteau blanc, faisait de la forêt un si joli tableau, que l’on revoit souvent sur les cartes postales, quand arrivent les fêtes de la nouvelle année.
Le cœur me fait très mal en pensant à ce jour quand noël arrivait. De très loin tout ensemble nous avions entendu le bruit de ces moteurs assassins et meurtriers tronçonnant de partout sans aucune pitié et coupant sans relâche les sapins pour noël. Quand ils vinrent vers moi, j’ai regardé le ciel une dernière fois, et j’ai vu mes parents, leurs yeux étaient remplis de larmes de tristesse, essayant tous les deux dans un ultime effort de protéger l’enfant qui était à leur pied, mais sans pitié la chaine de cette tronçonneuse me partageât en deux et je tombai à terre. Ces hommes sans scrupules me prirent et me jetèrent sur le tas de sapins mutilés comme moi, nous faisant ressembler aux cadavres gisant sur un champ de bataille.
Enfin ce fut ce jour où je me suis retrouvé près d’une cheminée dans une grande pièce, une table garnie de mille victuailles me laissant présager le festin de noël. Des mains douces et légères m’avaient garni de boules multicolores, de guirlandes aux couleurs qu’on ne peut définir, et de mille bougies sur mes frêles aiguilles. Au plus haut de ma tête, on y a mis une étoile et au pied de mon tronc mutilé, on posa alors un grand nombre de cadeaux. Et puis lorsque la fête fut hélas terminée, on me déshabillât et on me jetât là bas, sous ce gros tas d’ordures.
C’est peut être le Dieu, celui de la forêt qui me poussa ce jour là sur ce chemin de terre où je t’ai ramassé. Quelques frêles racines qui avaient repoussé laissaient croire au miracle. Ca fait plus de trente ans que je t’ai replanté, au milieu du grand champ, tout près de ma demeure, et chaque année quand vient la veille de noël, ton corps majestueux brille de mille feux, et de tout le pays et des contrées voisines, les gens viennent te voir et même se prosterner. C’est des millions d’étoiles qui brillent de partout faisant comme un soleil illuminant le ciel, des boules par centaines pendent le long des branches, et des guirlandes aux couleurs des plus beaux arcs-en-ciel retombent en cascades. Dans le champ tout entier sortent d’un peu partout des roses de noël te faisant un parterre d’une immense beauté.
Merci à toi sapin, merci de me donner chaque année à noël le plus beau des cadeaux que l’on puisse m’offrir, ton amour et ta reconnaissance. Sache que grâce à toi, dans toute ta forêt, aucun petit sapin n’a été recoupé pour le jour de noël.
Et depuis ce jour là, chaque année pour noël, des sapins en plastique font partie de la fête, vous laissant vivre en paix dans vos belles forêts, pour que pour vous aussi, noël soit jour de fête.