Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Poésie - Page 32

  • « Nul sur cette terre ne sert à rien »

    gilles billaut,thiseLe poème qui suit a été écrit par l'ami Gilles Billaut, habitant de Thise (Doubs), et passionné par l’écriture. Souvent présent à l’été sur les hauteurs du hameau du Cazal, vacancier multicartes, tantôt gaulois, brigadier ou cycliste, Gilles Billaut a décidé à travers un poème, de rendre hommage aux héros du quotidien. Celles et ceux qui sont applaudis tous les soirs sur les balcons, mais qui il y a peu de temps encore, pouvaient paraître invisibles à certains. Ce poème a été publié le lundi 20 avril dans le journal l’Est Républicain, édition de Besançon.

    Les inutiles

    Dans le tain de leur miroir
    Se regardaient, sans se voir
    Les hommes, les femmes anonymes
    Sans se prendre pour des victimes


    On ne les reconnaissait pas
    De leurs métiers faisions peu de cas
    Éboueurs, caissières, pompiers
    Infirmières, médecins, ambulanciers


    Dont les vertus premières
    N’étaient pas leurs salaires
    Nous savions qu’ils existaient
    Mais souvent on les oubliait


    Ne voulant savoir ce qu’ils faisaient
    Après tout, peu nous importait
    Même s’ils rendaient service à la population
    Faisaient partie intégrante de la nation


    Les uns, les autres, de nous prenaient soin
    Nous les snobions, les regardions de loin
    Dénigrant, pour certains l’utilité
    Des métiers du bas de l’humanité

    Mais, quand une forte pandémie

    D’un virus malmena nos vies
    Nous avons pris conscience enfin
    Que sans eux, notre existence touchait à sa fin


    Aujourd’hui, notre comportement est différent
    De la conduite à tenir et à ne plus être indifférent
    Nous reconnaissons leur force, leur abnégation
    À ces êtres humains, fiers de leurs missions


    Nul sur cette terre ne sert à rien
    Chaque homme nous vaut bien

  • Bonheurs d’enfance

    Quand les images d'une enfance vécue dans notre voisine Ariège, rappellent également des souvenirs aux grands enfants du pays chalabrais. L'ami Bernard se souvient, juste comme si c'était hier. 

    Bonheurs d’enfance

    De ma tendre enfance, dans Le Peyrat des années cinquante,

    Il y a tant de bonheurs qui me reviennent à la mémoire,

    Des scènes de la vie d’autrefois, de la vie courante,

    Des personnages, des odeurs, et des belles histoires.

     

    Ce n’étaient que des petits bonheurs bien ordinaires

    Pour le petit enfant de l’époque, mais devenu papy

    Il se demande aujourd’hui en faisant l’inventaire,

    Qu’on ne peut et on se doit de ne pas les laisser dans l’oubli.

     

    Je me souviens, mais comme vous aussi sans doute,

    De ces ambulants, on ne parlait pas encore d’artisans,

    Qui chaque année s’arrêtaient au village, sur leur route,

    Pour rendre quelques menus services à ses chiches habitants.

     

    Sa place habituelle était sous le grand platane,

    Ce n’était que de la terre battue, pas encore de goudron,

    Mais ça lui suffisait au rétameur pour qu’il dépanne,

    Et puisse faire fondre l’étain dans un grand chaudron.

     

    Annoncé au son de son tambour par Monsieur Moulins,

    Les femmes lui apportaient casseroles, faitouts et bassines,

    Alors avec quelques sous pour seul gagne pain,

    Il remettait à neuf bien des ustensiles de cuisine.

     

    Pour quelques jours, il était l’attraction des enfants

    Qui contemplaient cet homme au visage bruni, un peu magicien

    Tremper fourchettes et cuillères usagées dans cet étain brillant

    Pour les ressortir belles et éclatantes en un tour de main.

     

    Il passait aussi le rémouleur tirant sa remorque atelier,

    Il aiguisait tout, couteaux, ciseaux et haches sur sa meule

    Qu’il actionnait en pédalant d’un rythme régulier,

    Et nous regardions étonnés s’échapper ces gerbes d’étincelles.

     

    Et ce dentiste ambulant, plutôt l’arracheur de dents,

    Ce petit homme au chapeau qui revenait tous les ans,

    Avec dans sa mallette seulement quelques instruments,

    Un extracteur et deux ou trois pinces pour soulager les habitants.

     

    Comme soins dentaires, il ne fallait compter que sur l’extraction,

    Pas de roulette ni de plombage, et pour atténuer la douleur,

    Un bon verre de gnole qui était aussi radical pour l’infection,

    Et il clamait que cela ne faisait pas mal, un vrai menteur.

     

    Il restait quelques jours, dormait chez Eugène, Monsieur le Maire,

    Sur une paillasse dans la grange, se contentant de peu,

    Avec quelques billets et victuailles comme seuls honoraires,

    Parfois il partageait la table des villageois, c’était bien mieux.

     

    Plus régulièrement car habitant Chalabre, venait le matelassier,

    Surnommé le Nanet car il n’était pas bien grand,

    Il s’installait sous la place pour exercer son métier,

    Et réparer les matelas bien fatigués par l’usure du temps.

     

    Il enlevait alors la toile rayée constellée d’auréoles,

    Et avec une petite machine, une cardeuse, après avoir ôté la laine,

    Il la nettoyait, l’étirait pour la regonfler, et après contrôle,

    Il la disposait entre les ressorts de façon homogène.

     

    C’était toujours un tissu rayé, une toile de coutil

    Qu’il utilisait pour la finition, gris ou bleu sur fond blanc,

    Et puis avec toutes sortes d’aiguilles et du gros fil,

    Il surfilait et cousait ourlets et bourrelets avec talent.

     

    Avec leur roulotte tirée par des chevaux faméliques

    Passaient bien souvent des nomades, des gitanes,

    Ils vendaient des babioles et faisaient des numéros de cirque,

    Et je revois dans le pré de Laffont ce campement de caravanes.

     

    Ils étaient bien pauvres et toujours aussi sales,

    Attention aux poux nous disaient nos parents,

    Ils n’étaient guère appréciés car après leur passage,                              

    Il manquait toujours quelque chose à certains habitants.

     

    Grâce à eux, j’ai le souvenir d’avoir vu sous le préau de l’école,

    Tenu en laisse par un de ces moustachus un ours faire des mimiques,

    Et aussi dans une cage en fer dressée sur une carriole,

    Un gorille tout noir, bien malheureux, loin de son Afrique.

     

    Vous devez vous en souvenir du peilharot, le dénommé Bijou,

    Il venait de Rivel tous les dimanches matin avec sa mobylette,

    Pour récupérer les peaux de lapins et ce pour quelques sous,

    En criant peau de lapin, peau de lapin, au son de sa trompette.

     

    Dans ce village campagnard beaucoup avaient leur élevage,

    Car l’argent manquait sûrement pour aller à la boucherie,

    Et chez mes grands-parents pour préserver ces jolis pelages,

    Les peaux étaient tendues avec des bâtons ou de paille garnies.

     

    Mais Bijou avait un concurrent, le corpulent et célèbre Roncalli,

    Célèbre car il était un cousin du Pape Jean vingt-trois,

    Et avec sa camionnette il récupérait un peu tout, les vieux habits,

    Les cartons, la ferraille et ces fameuses peaux, ça va de soit.

     

    Régulièrement avec tapis et couvertures sur les épaules

    Nous rendaient visite quelques marchands bronzés, les Catalans,

    Il fallait marchander les prix demandés, c’était tout drôle,

    Mais ils étaient bien acceptés ces vendeurs venant de Léran.

     

    On disait que c’était de la marchandise de contrebande,

    Mais il y avait des acheteuses pour compléter les trousseaux,

    Avec draps, couvertures et torchons, sans peur de réprimande,

    Mais avec parfois quelques surprises, la qualité faisant défaut.

     

    Mémé Albanie pensait avoir fait une bonne affaire

    En achetant à un bon prix fourchettes et cuillères en argent,

    Sûr, elle était belle dans son écrin de velours rouge, la ménagère,

    Mais rapidement les couverts avaient perdu de leur brillant.

     

    C’était bien une petite voiture et non pas une barque

    Avec laquelle se déplaçait Monsieur Monnier, le photographe,

    Ce vieil homme avec sa barbichette et chapeau, tel un monarque,

    Venait nous tirer le portrait avant un devoir d’orthographe.

     

    Alors devant l’école, nous étions rassemblés, immobiles et sérieux,

    Pour la photo de groupe avec Mlle Sergolle et M. Pousse,

    Devinant devant nous sous un tissu noir le vieux Monsieur,

    Et espérant voir sortir le petit oiseau de sous cette housse.

     

    Il y a bien longtemps mais les odeurs sont tenaces,

    Dans mon esprit ressortent les effluves de cette époque,

    L’odeur suffocante de l’alambic et cette eau de vie coriace

    Que nous allions goûter en cachette dans la bicoque.

     

    J’ai encore dans les oreilles le son du marteau sur l’enclume

    Donné par le Fantou du fond de son antre toute noire,

    Et cette odeur de corne brûlée, pleine d’amertume,

    Quand il ferrait un cheval ou un bœuf, toute une histoire.

     

    Je ne ressens plus aujourd’hui ce parfum de pain frais,

    Il n’y a plus de fournil, les boulangers épuisés ont abandonné,

    C’est bien propre, plus de rigole rouge devant chez le Pierret,

    Et les odeurs de vin ne chatouillent plus mon nez.

     

    Ah, ce joli bruit de clochettes accompagnant les troupeaux

    Quand après la pâture les vaches rejoignaient leur étable,

    L’odeur du foin fraîchement coupé, le bêlement fragile des agneaux,

    C’était tout cela les petits bonheurs, et non pas une fable.

                                 Bernard (mai 2015)

  • Le temps des moissons

    Un poème de l'ami Bernard, et des mots pour nous emmener vers un été qui semble si lointain. 

    Battage 001.jpg

    (photo Maurice Mazon)

    Le temps des moissons

    Dans la plaine brûlante, les beaux épis bien blonds

    Ondulent sous la brise en cette fin juillet,

    Les prenant dans les mains, le grand père Léon,

    Constate qu’ils sont mûrs, il faut donc les couper.

     

    Il ne faut point tarder, et dès l’aube suivante,

    Avec sa faux tranchante, il a fait le passage

    Tout autour de ce champ de couleur éclatante,

    Car il ne veut rien perdre avec son attelage.

     

    Dès la soupe avalée, il attelle Pardou et Mascaré,

    Ces jolis bœufs gascons pour tirer la lieuse,

    Vers ce champ préparé avec tant de fierté

    De l’aurore au crépuscule avec ses mains calleuses.

     

    Du haut de mes huit ans, sur le siège installé, 

    Je guette et je surveille comme m’a dit Léon,

    Qui précédant ses bêtes et d’un pas cadencé,

    Sait les faire écouter sans besoin d’aiguillon.

     

    Le rythme est soutenu, tout marche à merveille,

    Les gerbes sont empilées en des tas réguliers,

    Protégées de la pluie mais offertes au soleil

    Pour quelques jours encore avant d’être gerbier.

     

    Tout autour, dans les champs fraîchement moissonnés,

    Tableau cher à Millet, on voit quelques glaneuses,

    Le fichu sur la tête, ramasser les épis oubliés,

    Le dos courbé, avec leurs pauvres mains rugueuses.

     

    Après c’est la charrette, les gerbes sont croisées et disposées

    D’une telle façon pour que le lourd chargement,

    Regagne sans encombre d’une allure chaloupée,

    Tout là-bas cette grange, ce lieu bien plus clément.

     

    Charrette après charrette, la grange est vite remplie,

    Alors sur cette place, la hyère, on élève le gerbier,

    Qui de formes élégantes et sans anomalie,

    Ressemble alors à une église dépourvue de clocher.

     

    Tout est bien à l’abri, il faut donc attendre

    Que la vieille batteuse après tant de services,

    Nous revienne au village en ce mois de septembre,

    Tirée par ce tracteur, moment toujours propice.

     

    Les voisins et amis sont alors avertis, le monde réquisitionné,

    Car en quelques semaines, il faut tout dépiquer,

    On commence chez Lucien, Eugène, puis Paul et le Roué,

    Ah, cette belle solidarité, on est loin d’en manquer.

     

    Il fait encore nuit, et dans le froid matinal,

    Il faut alors le chauffer et tourner la manivelle,

    Pour que le vieux tracteur démarre dans un bruit de métal

    Ce poumpoum régulier, drôle de ritournelle.

     

    Un contrôle par ci, un peu de graisse par là,

    Et la longue courroie fait tourner la machine,

    Et dès que le jour pointe, tout le monde est en bas,

    Chacun est à son poste, voisin et voisine.

     

    Tout en haut du gerbier, les hommes lancent les gerbes,

    Qui vite déliées plongent dans le batteur

    Par deux femmes actives séparant bien ces herbes,

    Leurs visages déjà noircis par poussière et sueur.

     

    Dans un bruit infernal, tout le monde s’active,

    Les hommes ont noué leur mouchoir sur la tête,

    Il faut faire attention dès que le soleil arrive,

    Mais très vite la poussière change leur silhouette.

     

    Posté sur le devant, Raymond fixe les sacs de jute,

    Pour recevoir ces grains, le bon pain de demain,

    Ils sont vite remplis et il faut être robuste,

    Pour les remuer et charger en quelques tours de mains.

     

    Quelques mètres plus loin, son frère Georges aiguille,

    Il connait le métier car il fait la campagne,

    Et la paille dorée, pressée, sous le soleil scintille,

    Mais les journées sont dures, on n’est pas loin du bagne.

     

    Au fond, il y a les forts, les costauds, les piliers rouge et noir,

    Qui avec un vieux sac retourné sur leur tête,

    Et le crochet de fer comme seul accessoire,

    Chargent les grosses balles, ce ne sont pas des mauviettes.

     

    Pour nous, les enfants du village, c’est une distraction,

    Nous sommes bien trop jeunes pour aider à la tâche,

    Alors on ravitaille tout le monde en boissons,

    Avec de l’eau bien fraîche et du petit vin qui tache.

     

    Ça y est, le vieux tracteur s’est tu, la journée est finie,

    C’est enfin le silence, et les hommes et les femmes

    S’enlèvent la poussière, et les yeux bien rougis

    S’en vont se rafraîchir afin de ressembler à Monsieur ou Madame.

     

    Là haut, chez Albanie, la table s’est agrandie,

    Car ce soir, il faut les régaler les vaillants travailleurs,

    Il y a de quoi manger, le jambon du cochon et le canard rôti,

    Les croustades et le vin du Pierret, il n’y a rien de meilleur.

     

    On sort quelques liqueurs, la bouteille d’eau de vie,

    On raconte quelques histoires et puis il y a les chanteurs,

    Qui sans se faire prier chantent leur mélodie,

    Ecoutés pieusement par tous les invités, ah, quel bonheur.

     

    Il ne faut point tarder car demain il faut recommencer,

    On boit le dernier café, on se fait le dernier canard,

    Puis on rentre chez soi, les muscles fatigués et la tête embrumée,

    Mais demain, dès six heures, ils seront tous là, sans retard.

                                                   Bernard, 2015

    Battage.jpg

  • Les jeux d’autrefois

    Sous ce titre, un poème, qui renvoie vers des souvenirs de l'enfance, poème écrit par un enfant qui a grandi et fait ses classes au pied du massif du Plantaurel.

    En ce 21e siècle, en regardant les enfants d’aujourd’hui                            

    passant des heures devant leur télé, écran et console,                                                  

    je ne peux oublier et être encore séduit                                                                         

    par ces jeux bien simples pratiqués dans la cour de l’école.

     

    Dans les années 1950/1960, les jouets étaient bien rares,                              

    on se contentait alors de peu pour nos amusements,                                    

    mais que de bons moments sous ce préau, non pas un boulevard

    mais avec assez d’espace pour nos attroupements.

     

    Les filles d’un côté jouaient à la corde à sauter,                                              

    ou alors formant une ronde dansaient la capucine,                                                    

    en chantant à tue-tête ce refrain réputé,                                                            

    y’a pas de pain chez nous, y’en a chez la voisine.

     

    Le jeu de la marelle avait aussi leur préférence,                                                              

    alors à cloche pied, de la terre au ciel,                                                                          

    elles sautillaient comme dans une danse                                                                

    ou bien courraient derrière un cerceau, jeu universel.

     

    Ah, le Colin Maillard, il avait aussi beaucoup de succès,                                

    garçons et filles mélangés, muets comme des carpes,                                      

    se contorsionnaient devant le désigné aux yeux bandés                                  

    qui en les touchant devait les reconnaître avant qu’ils ne s’échappent.

     

    Parfois, quelques garçons plus entreprenants,                                              

    tâtaient et caressaient les filles d’un peu trop près,                                                                

    ces dernières alors vociféraient contre ces chenapans,                                      

    alertant la maîtresse qui en décidait alors l’arrêt.

     

    En ce temps là, pas de goudron devant l’école                                                

    mais un espace en terre battue propice au jeu de billes,                                            

    nous dessinions donc la carte de France à même le sol                            

    et à genoux nous lancions nos boules de ville en ville.

     

    Ah, ces billes, nous en avions plein les poches,                                            

    celles en verre, les plus belles aux couleurs chatoyantes                                  

    et les ordinaires en terre cuite vernie, plus moches,                                          

    ainsi que le gros boulard qui en valait trente.

     

    Le jeu de saute mouton n’avait pas ma préférence                                        

    car déjà quelques kilos de trop étaient un sacré dilemme,                            

    j’étais bien plus à l’aise avec les osselets, plus d’aisance                                        

    pour les attraper sans faire tomber la reine.

     

    On jouait aussi au jeu du mouchoir aussi nommé facteur,                                

    tous assis en cercle, nous attendions que ce dernier                                    

    dépose derrière votre dos la lettre (un chiffon), sous les clameurs                                  

    il fallait le rattraper pour ne pas qu’il finisse premier.

     

    Bien souvent ce jeu se terminait par quelques échauffourées                                

    quand des garnements vous faisaient un croche-pied,                                  

    vous vous retrouviez alors au sol les genoux écorchés                                                    

    et le fautif, puni, avait alors des pages à copier.

     

    Dès l’école finie, direction le grand champ de la borde                                                              

    pour des parties de rugby dignes de nos aînés,                                                      

    nous jouions à plaquer, les rencontres étaient chaudes                                    

    et elles se terminaient visages tuméfiés et habits déchirés.

     

    La halle du village était pour nous le terrain de football,                                      

    il fallait voir cette vingtaine d’enfants taper dans le ballon,                            

    mais sur ce sol en ciment c’était plus amical,                                                        

    pour les garçons du village mais pas les filles en jupon.

     

    Pourtant combien de fois ce ballon nous a été confisqué,                                

    pour des fleurs saccagées et des carreaux cassés chez Mimise,                            

    et on s’échappait vite quand nous poursuivait Marius Lapasset                                  

    après que notre ballon ait atterri dans sa cuisine.

     

    Parallèle à la halle, dans cette rue encore en mâchefer,                              

    nous jouions au jeu des « yardes », des disques de ferraille                                          

    que nous lancions d’un geste sur et fier                                                          

    pour faire tomber le « tap » et gagner la médaille.

     

    On récoltait alors les piécettes tombées en dehors du rond,                                  

    on y passait des heures mais sans gagner le trésor,                                        

    c’était aussi l’arrivée de la pétanque, et quelques joyeux larrons

    s’initiaient à ce nouveau jeu sans battre des records.

     

    En ce temps là, le jeudi il n’y avait pas école,                                                              

    après les devoirs direction les prairies de Constantine,                                    

    c’était la construction de nombreuses cabanes, tout un symbole                  

    pour des pauvres indiens traqués par des cow-boys dans les collines.

     

    La télévision était rare dans les foyers, tous dehors au crépuscule

    pour prendre le frais après la chaleur des journées d’été,                                    

    nous profitions alors des sorties en noctambules                                                    

    pour quelques jeux interdits souvent prémédités.

     

    Je veux parler des « tustets », cela n’était pas bien méchant,                                            

    nous dérangions les gens en toquant à leur porte                                                              

    à l’aide d’un crin attaché au heurtoir, mais souvent                                            

    il fallait courir vite pour faire face à la riposte.

     

    Il est vrai que la nuit tous les chats sont gris,                                                                

    nous privilégions ces moments pour des parties de cache-cache,

    après le décompte il fallait se dépêcher pour trouver un abri,                      

    l’angle d’une rue, un buisson, un arbre, camouflé comme un apache.

     

    J’ai le souvenir d’une cachette dans la grange de Mme Février,                              

    il faisait très noir, silencieux dans la soute à charbon,                                

    j’étais content, personne ne m’avait trouvé                                                      

    mais les rires ont fusé quand j’ai réapparu sale comme un vagabond.

     

    Mais tout cela c’était avant cette drôle d’invasion                                                

    quand nous voyons aujourd’hui nos jeunes et leur Smartphone

    rechercher l’ennemi invisible le virtuel Pokémon,                                

    sûr qu’ils étaient plus sympas les jeux de nos récréations.

     

                                                      Bernard, le 26 mars 2020